Spirale 1974

Spirale, la seule incursion d’Etrog dans la réalisation, présente une puissante méditation sur la condition humaine et le parcours de la naissance à la mort. Cette aventure dans le cinéma est liée aux expériences d’Etrog en dramaturgie : selon un auteur, en 1968-1969, il écrit une série de pièces intitulée Charnières qui ne sont jamais présentées; la quatrième et dernière devient la source pour Spirale. 

Le style emprunte au cinéma européen expérimental – le cinéma surréaliste avec ses puissantes images et ses équivalents visuels déconcertants, comme dans Un chien andalou, 1929, de Luis Buñuel (1900-1983) et son collaborateur, Salvador Dalí (1904-1989), de même qu’à la technique de montage du cinéma constructiviste inventée par le réalisateur soviétique Sergei Eisenstein (1898-1948) dans les années 1920, comme on le voit dans Le Cuirassé Potemkine, 1925.

Pour Etrog, le chemin qui mène de la naissance à la mort n’est pas un voyage linéaire, mais plutôt un voyage vécu à travers la spirale, le motif principal du film. Ce format élimine la linéarité temporelle : la naissance d’un enfant est juxtaposée à une opération à cœur ouvert, le landau est comparé à un cercueil, et l’image d’une horloge avec son tic-tac apparaît sans cesse. Le thème de l’impossibilité d’une séparation parfaite entre la vie et la mort s’exprime davantage dans l’une des images les plus puissantes de Spirale : pendant que le protagoniste ouvre une boîte de sardines, nous rencontrons des corps nus qui s’entrelacent; plus tard dans le film, ces corps sont juxtaposés à des vers frétillants entremêlés, rappelant des images de fosses communes.

« J’ai choisi la spirale, car je ne voulais pas fermer le cercle », déclare Etrog dans une conversation avec son ami et plus tard collaborateur, l’influent théoricien des médias Marshall McLuhan (1911-1980). Ailleurs, il explique que « [l]a spirale est une ligne unique continue qui crée en elle-même un parallèle qui existe de manière conventionnelle entre deux lignes. Par conséquent, on peut avoir sur cette ligne unique des moments dans le temps et dans l’espace qui indiquent le passé, le présent et le futur ».

Spirale est présentée pour la première fois en 1975 dans le cadre de l’émission Sprockets diffusée à CBC. Dans les années 1980, McLuhan projette Spirale au Centre of Culture and Technology de l’Université de Toronto et propose à Etrog de collaborer à un projet de livre basé sur le film. Etrog accepte et sélectionne des photos extraites du film. Plus tard, McLuhan choisit des commentaires et des citations de célèbres auteurs modernes ayant influencé Etrog, tels que Samuel Beckett (1906-1989), Eugène Ionesco (1909-1994) et James Joyce (1882-1941). Le résultat final, publié en 1987, est une œuvre d’art en soi, un collage d’images associées avec des textes qui agissent comme une conversation entre l’artiste et le théoricien.