La pratique artistique de Robert Houle embrasse les traditions culturelles associées à son héritage saulteaux, qui se reflète dans son utilisation de la couleur, son formalisme et sa sensibilité aux matériaux et à leurs propriétés symboliques. De plus, l’école de l’expressionnisme abstrait, en particulier le peintre Barnett Newman, ont un ascendant majeur sur son œuvre. Sa pratique combine des procédés abstrait et figuratif, et révèle de multiples approches stylistiques. Houle utilise le collage, le texte, le son, la vidéo et l’installation mixte, bien que la peinture demeure sa forme d’expression la plus essentielle.
Abstraction et couleur
Certaines traditions culturelles autochtones évitent la figuration dans la conception de leurs œuvres parce qu’elle entrave l’expression de « l’essence » d’un objet. En intégrant des éléments du patrimoine Anishnabe à l’abstraction, en fusionnant le spiritualisme saulteaux et moderniste, Houle réconcilie les tendances de l’art contemporain avec les traditions autochtones. Dès le début de son parcours artistique, Houle est attiré et nourri par les mouvements et les praticiens de l’art moderne — dont le néoplasticisme, l’expressionnisme abstrait et le plasticisme — ainsi que par les dessins géométriques anishnabes et les ouvrages traditionnels en piquants de porc-épic. Ses influences en abstraction comprennent plusieurs figures emblématiques : Piet Mondrian (1872-1944), Barnett Newman (1905-1970), Jackson Pollock (1912-1956) et Mark Rothko (1903-1970), artistes dont les œuvres dépendent de la clarté structurelle et de l’expression de la spiritualité et des émotions à travers les champs de couleurs.
La peinture Ojibwa Motif, Purple Leaves, Series No. 2 (Motif ojibwa, Série Feuilles pourpres no 2), 1972, illustre bien l’amalgame entre l’art moderne et les dessins autochtones chez Houle. Ses abstractions en forme de feuilles ressemblent aux dessins géométriques anishnabes traditionnels tout en faisant écho à une approche stylistique utilisée par Frank Stella (né en 1936), abstractionniste new-yorkais, dans ses formes géométriques monochromatiques. Houle attribue son utilisation de l’abstraction, dans des œuvres anciennes telles que Red Is Beautiful (Le rouge est beau), 1970, à son séjour à l’Université McGill alors qu’il étudiait sérieusement l’art abstrait, et à ses recherches sur les objets sacrés que l’on retrouve dans la collection permanente du Musée national de l’Homme à Hull (aujourd’hui le Musée canadien de l’histoire à Gatineau), comme le bâton de guerrier, le pare-flèche ou le mât de la danse du soleil.
Pour Houle, la couleur et la lumière sont spirituelles, et l’amalgame du spiritualisme autochtone et du modernisme par la couleur inspire un dialogue entre le spirituel et le poétique. Dans une série abstraite Sans titre de 1972 inspirée de poèmes d’amour, Houle utilise la tradition de la géométrie sacrée et de la couleur symbolique pour parler de la terre et du cosmos. Les peintures sont composées de formes géométriques simples et de couleurs discrètes, comme dans Wigwam et The Stuff of Which Dreams Are Made (Les choses dont les rêves sont faits). Leur qualité de réserve évoque l’abstraction spirituelle, telle que pratiquée par Newman, Rothko et d’autres expressionnistes abstraits et en référence aux dessins géométriques traditionnels ojibwas chez Houle, qui, à son tour, affirme la survie de la spiritualité autochtone dans le monde moderne. Dans des tableaux comme Square No. 3 (Carré no 3), 1978, et Punk Schtick, 1982, Houle utilise de petites taches pour créer un effet de hachures linéaires qui fait écho à la fois à la broderie en piquants de porc-épic et au style de Jasper Johns (né en 1930), dont Houle découvre l’œuvre à la fin des années 1970.
Houle superpose souvent des motifs autochtones sur des pratiques associées à l’art occidental. Par exemple, Diamond Composition (Composition de diamant), 1980, rappelle les œuvres géométriques en forme de diamant de Mondrian. Tirant parti d’un bleu monochromatique, la couleur spirituelle de Houle (donnée par cérémonie, dans le cadre de la tradition anishnabe), l’artiste perturbe la géométrie du tableau en incorporant des traits parallèles à hachures croisées qui ressemblent à des piquants de porc-épic. En agissant ainsi, selon l’historien de l’art Mark Cheetham, Houle « infecte » la pureté souvent associée au modernisme. Le hachurage croisé crée une intrusion ou une tension esthétique dans l’œuvre parce qu’il « ajoute un élément supplémentaire » — une technique que Houle a empruntée à la théorie suprématiste de Kazimir Malevich (1878-1935). Au fil de son œuvre, Houle figure des « éléments supplémentaires » qui vont des piquants de porc-épic au symbole d’une étoile du matin saulteaux, en passant par la superposition de photographies d’archives sur du texte.
Houle conçoit aussi souvent le paysage en termes abstraits. Muhnedobe uhyahyuk [Where the gods are present] (Muhnedobe uhyahyuk [Là où les dieux sont présents]), 1989, par exemple, montre de grands champs de couleurs expressifs et symboliques tout en témoignant de la grandeur de la lumière, de l’eau et du ciel du Manitoba. En Ojibwa, chaque fois que le mot uhke est prononcé, il s’agit plus d’une exaltation de l’humanité [qui fait partie de la nature] que d’une déclaration de propriété ». Les toiles sont brossées de façon lâche et leur caractère distinctif est mis en valeur par des marques gestuelles, des croix et des lignes verticales, horizontales et obliques qui font référence à des bâtons de guerrier et à des ouvrages en piquants de porc-épic. Rappelant les champs de couleurs spiritualisés de Rothko, les rectangles de couleur non modulée, aux arêtes adoucies, ont chacun un registre supérieur et inférieur qui peut être lu comme le ciel et la terre. Les espaces intérieurs sont articulés par des éléments linéaires qui se mêlent plutôt que par des éléments linéaires à arêtes dures. De l’autre côté de la toile se trouve la marque gestuelle caractéristique de Houle, qui ressemble à une signature spontanée. Ce geste imprègne toutes ses peintures et constitue pour lui la « ligne de guérison de son art ».
L’influence de Barnett Newman
Le peintre expressionniste abstrait Barnett Newman incarne sans doute l’influence stylistique et technique la plus marquante de Houle. Il se souvient : « J’étais debout dans la galerie du musée Stedelijk, regardant l’œuvre de Piet Mondrian, je me suis retourné et elle était là, la Cathedra de Barnett Newman et à côté d’elle, Cantos. Cela incarnait tout ce à quoi j’aspirais ». L’absence de toute référence à la nature littéralement ou indirectement par des symboles ou des couleurs dans l’œuvre de Mondrian est décevante pour Houle, qui vient de ce qu’il appelle « une culture centrée sur la terre »; l’œuvre de Newman propulse la pratique de Houle dans une nouvelle direction. Newman, dit Houle, « m’a sauvé de Mondrian ».
Comme Houle, Newman ressent vivement la puissance spirituelle de l’art amérindien ancien et historique, bien qu’il ne l’ait jamais étudié. Newman a organisé des expositions, comme Northwest Coast Indian Painting (Peintures des Indiens de la côte nord-ouest) (avec Tony Smith), qui a eu lieu à la Betty Parsons Gallery à New York en 1946. Pour ses propres œuvres d’art, Newman cherche un pouvoir spirituel semblable à celui qu’il a découvert dans l’art autochtone; et il insiste sur la valeur esthétique de l’art de la côte du nord-ouest plutôt que sur son mérite ethnographique — une position que Houle apprécie chez l’artiste américain, tout comme sa compréhension de l’abstraction en tant que forme et émotion.
Le lieu est au premier plan dans la pratique et la théorie des deux artistes. Newman produit une immense abstraction colour-field inspirée par le vaste espace du nord du Canada dans Tundra (Toundra), 1950, qui a influencé Muhnedobe uhyahyuk [Là où les dieux sont présents], 1989, une œuvre abstraite dans laquelle Houle représente un paysage du Manitoba. Les deux artistes ont également réalisé des abstractions qui se rapportent à des conflits historiques : Newman dans Jericho, 1968-1969, (lorsque Jericho a été occupé par Israël pendant la guerre des Six-Jours de 1967) et Houle avec Kanehsatake X, 2000, (à propos de la crise d’Oka de 1990).
Newman et Houle honorent des figures héroïques — Newman avec Ulysse, 1952, un hommage au roi grec classique d’Ithaque, et Houle avec une série d’œuvres célébrant le chef Pontiac, comme dans Pontiac Conspiracy (La conspiration de Pontiac), 1997. Les abstractions en série traitant de thèmes bibliques sont également significatives : Newman dans Stations of the Cross (Chemin de croix), 1958-1966, et Houle dans Parfleches for the Last Supper (Pare-flèches pour la dernière Cène), 1983. Le fait que Newman soit juif et s’intéresse à des sujets catholiques a inspiré Houle, en tant que Saulteaux, à faire de même.
Comme Newman, Houle peint de grands champs de couleurs expressifs pour évoquer l’émotion. En se distinguant de lui toutefois, Houle recourt à l’abstraction dans un désir d’inverser l’histoire de l’exclusion des artistes des musées d’art et des galeries d’art publiques. Bien que son tableau emblématique Kanata, 1992, rappelle l’utilisation du rouge et du bleu par Newman dans l’œuvre Voice of Fire (Voix de feu), 1967, l’appropriation par Houle de ces champs de couleurs sert également une fin politique. Le rouge et le bleu dénotent son angoisse devant la position autochtone entre les deux pays européens — britannique et français — qui formaient l’État-nation du Canada. De même, les œuvres de Houle Palisade I (Palissade I), 1999, et Palisade II (Palissade II), 2007, contiennent des références visuelles directes aux abstractions en trois parties de Newman — la série Onement, 1948, et Chemin de croix avec leurs bandes verticales de couleur, ou « zips ». Cependant, dans les œuvres de Houle, les bandes verticales vertes et blanches représentent la structure formelle et la fonction commémorative des ceintures wampum.
Appropriation et déconstruction
L’un des moyens les plus puissants et persuasifs de s’attaquer à l’inexactitude historique ou à la politique identitaire est l’appropriation, habituellement au moyen de photographies et de textes. Revisiter les images et les écrits du passé ou de la culture populaire permet aux artistes d’attirer l’attention sur les dimensions idéologiques de la représentation visuelle, soulevant des questions sur des sujets tels que la race, l’ethnicité, le genre et la sexualité. Retravailler des images peut être un geste affirmatif, une façon d’investir la culture avec de nouvelles vérités. Depuis le début de sa carrière, Houle aborde les questions d’appropriation culturelle et de représentation dans son travail. La réappropriation est au cœur de son œuvre comme moyen de reconquête de l’identité et de la souveraineté autochtones.
Premises for Self-Rule (Prémisses de l’autonomie), 1994, est la première œuvre dans laquelle Houle incorpore des photographies — en l’occurrence de vieilles cartes postales avec des images photographiques ethnographiques qui documentent un groupe d’hommes et de femmes autochtones réunis à Fort Macleod, en Alberta, en 1907. Choisies pour leurs qualités narratives et stratégiquement placées au-dessus d’extraits de textes tirés de traités rendus au pochoir sur plexiglas, les émulsions photographiques jouent un rôle important dans l’activation du contenu formel et historique de chaque œuvre. Parallèlement à un processus de déconstruction (les photographies masquant certaines sections des traités), les photographies dénotent une tension puissante entre les mots écrits des textes et la tradition orale.
Houle pousse le thème de l’appropriation et de la déconstruction plus loin dans ses œuvres de nomenclature qui explorent l’appropriation culturelle occidentale des noms à des fins commerciales (par exemple, Washington Redskins, Edmonton Eskimos, Oneida flatware, Jeep Cherokee). Jusqu’à récemment, l’utilisation de ces épithètes était si bien établie qu’elle n’était pas remise en question. Au milieu des années 1990, Houle commence à créer des œuvres qui sondent délicatement l’objectivation des peuples autochtones et des héros comme les chefs Geronimo et Pontiac, comme dans Kekabishcoon Peenish Chipedahbung / I Will Stand… (Kekabishcoon Peenish Chipedahbung / Je me tiendrai debout…), 1997. Houle s’approprie ici des reproductions de trente-six publicités automobiles Pontiac d’époque sur lesquelles il dépose du texte en lettres de vinyle au nom de dix-huit nations autochtones qui se sont jointes au porteur original du nom Pontiac — Kaskaskia, Miami, Ojibwa, Winnebago, Mascouten, Fox, Ottawa, Kickapoo, Wea, Huron, Piankashaw, Seneca, Delaware, Mingo, Potawotomi, Shawnee, Menominee, Sauk. Quels que soient les messages subliminaux voulus par les annonceurs, les altérations de Houle les subvertissent. En encadrant ces icônes du milieu du siècle et en superposant ses propres commentaires, Houle récupère son histoire et son héritage.
Émulation du sacré
À travers l’art de Houle se glisse l’émulation d’objets rituels. Dans la pratique de la peinture, Houle imagine le potentiel de redonner vie aux matériaux autochtones qui ont été laissés pour morts à l’intérieur des musées et galeries ethnographiques. Il commence à réaliser des œuvres ressemblant à des pare-flèches, des bâtons de guerrier et des boucliers dans l’intention de réhabiliter les objets sacrés.
Deux de ces premières œuvres, l’une et l’autre intitulées Warrior Stick (Bâton de guerrier), 1982 et 1983, sont des rendus abstraits de bâtons de guerrier sacrés que Houle a découverts au Musée national de l’Homme. Dans Punk Schtick, 1982, (avec un titre qui dément sa référence sérieuse à l’axe mundi comme les mâts de la danse du soleil), une technique de hachures croisées divise les zones supérieure et inférieure; et pourtant, l’œuvre relie le ciel et la terre — deux entités très importantes dans le cosmos des Plaines et dans l’esthétique de Houle. Une autre œuvre, Sun Dance Pole (Mât de la danse du soleil), 1982, est formellement similaire à Punk Schtick mais son rendu est sculptural, la pièce surmontée d’une touffe de foin d’odeur. En fusionnant les techniques d’abstraction avec les objets sacrés traditionnels, Houle communique la nature de ces symboles autochtones des Plaines comme élevés au-delà du physique et dans le domaine du spirituel. Ces œuvres sont des précurseurs de d’autres œuvres dans lesquelles il combine abstraction et iconographie autochtone, tout en employant la couleur symbolique, comme dans Pare-flèches pour la dernière Cène, 1983; en incorporant des matériaux tels que l’acier utilisé dans Innu Parfleche (Pare-flèche innu), 1990; et en mettant l’accent sur la forme, comme dans Drum (Tambour), 2015.
Plusieurs des peintures de Houle sont des représentations de pare-flèche, une poche de voyage traditionnelle de forme rectangulaire avec un pli qui symbolise la rencontre de la terre et du ciel. Houle imprègne ses œuvres d’art d’une signification privée et personnelle en y incorporant des éléments codifiés qu’il est le seul à connaître. Il inclut également des références à des objets et symboles culturels. Ainsi, dans Pare-flèches pour la dernière Cène, Houle utilise du papier fait à la main, plie la partie supérieure pour ressembler à un pare-flèche, et après avoir peint la surface, il relie physiquement le pli avec des points de piquants de porc-épic en diagonale, comme ceux qui décorent les vêtements et les contenants autochtones du Nord-Est. Dans Parfleches for the last Supper #5: Philip (Pare-flèches pour la dernière Cène #5 : Philippe), des croix jaunes à branches égales flottent sur un champ de couleur rouge vif. Bien qu’elle rappelle la croix chrétienne, cette croix saulteaux renvoie à l’étoile du matin dans le cosmos et la couleur jaune fait référence à la cérémonie de la danse du soleil.
En 1990, lorsque Houle commence à expérimenter avec l’acier, il réalise Pare-flèche innu en utilisant des morceaux de ferraille sur lesquels il avait demandé au regretté et légendaire programmeur du Festival international du film de Toronto, David Overby (1936-1998), de rouler sa voiture à plusieurs reprises pour en modifier la forme. L’œuvre rend hommage aux Innus du Nord du Québec qui, à la fin des années 1980, étaient plongés dans des luttes pour empêcher les manœuvres militaires de survol au-dessus de leur territoire. Ici, la forme du pare-flèche fonctionne comme une métaphore de la résistance. Dans des tableaux tels que Parfleche for Norval Morrisseau (Pare-flèche pour Norval Morrisseau), 1999, et Parfleche for Edna Manitowabi (Pare-flèche pour Edna Manitowabi), 1999, Houle a spécialement choisi ses couleurs pour représenter symboliquement les deux artistes influents et, en termes abstraits, évoque la forme de l’objet traditionnel en leur hommage. Comme le dit Houle, « Quelle meilleure façon d’honorer les gens qui ont joué un rôle important dans ma vie? ».
De la peinture à l’installation
Bien que la peinture ait été et demeure un pilier de l’œuvre de Houle, il commence à faire des installations au milieu des années 1980 comme moyen d’exprimer de façon créative ses idées politiques, comme on peut le voir dans Everything You Wanted to Know about Indians from A to Z (Tout ce que vous vouliez savoir sur les Indiens de A à Z), 1985. Ici, en suggérant la forme commune et accessible d’une étagère de bibliothèque, Houle fait prendre conscience de l’inadéquation de la documentation et de l’appropriation des noms autochtones dans les livres. Pour Houle, le processus de création d’une œuvre combiné avec l’installation d’une œuvre dans un lieu — dans ce cas, dans un musée d’art — conduit à un espace de changement politique et culturel.
Houle est un artiste qui comprend l’espace sacré, et son travail s’étend rapidement à des installations in situ qui portent sur la souveraineté. Avec la reconquête comme objectif, il traite ses sites d’installation comme des points de repère où le savoir existe. Zero Hour (Heure zéro), sa première installation in situ, fait partie de l’exposition Beyond History (Au-delà de l’histoire) à la Vancouver Art Gallery en 1989. L’œuvre marque le quarante-quatrième anniversaire de la première explosion nucléaire dans le désert du Nouveau-Mexique, son intention étant un avertissement inquiétant pour l’humanité. Une inscription sur un mur noir, « For as long as the sun shines, the rivers flow, the grass grows … (Tant que le soleil brille, les rivières coulent, l’herbe pousse…) », est une phrase bien connue et souvent citée qui, autrefois, faisait référence à la possibilité d’une coexistence harmonieuse des colonisateurs et des peuples des Premières Nations pour l’éternité.
Dans l’histoire du Canada, de nombreux documents racontent des histoires de conquête et d’expansion, de commerce et de développement, dans lesquelles les aspirations coloniales ont nui à d’innombrables peuples autochtones. Les Premières Nations ont été exclues du récit d’une telle histoire. La recherche impeccable de Houle dans les documents officiels et non officiels exige la récupération extensive d’informations liées à une véritable histoire des Premières Nations. Pour son travail sur un site spécifique, il commence par une recherche sur l’emplacement et son histoire antérieure, qu’il s’agisse d’un musée, d’une institution gouvernementale ou d’un terrain particulier.
Pour son exposition Sovereignty over Subjectivity (La souverainté défie la subjectivité) à la Winnipeg Art Gallery en 1999, Houle produit trois projets in situ cette année-là, tous associés à l’histoire et à la souveraineté : Morningstar (Étoile du matin) au Manitoba Legislative Buildings, These Apaches are Not Helicopters (Ces Apaches ne sont pas des hélicoptères) à la gare de VIA Rail, et Gambling Sticks (Bâtons de jeu), une installation permanente sur un site sacré où les rivières Rouge et Assiniboine se rencontrent à Winnipeg et un endroit où, historiquement, les peuples autochtones se rencontraient, campaient et échangeaient des marchandises. Dans Bâtons de jeu, Houle marque visuellement l’importance du lieu avec vingt et une répliques en bronze agrandies de bâtons de jeu Tahltan. Historiquement, les bâtons de jeu étaient utilisés pour passer le temps lorsque les membres des Premières Nations se rencontraient à la jonction de la rivière et n’étaient pas directement occupés à faire du commerce. En plantant ces bâtons à cet endroit, Houle honore symboliquement le lieu et le transforme en un espace spirituel qui ancre son identité culturelle et son lien personnel avec le Manitoba.
Entre 1994 et 1996, Houle entreprend plusieurs travaux de conception avec le département d’urbanisme de la ville de Toronto. Après avoir fait des recherches archivistiques approfondies, Houle fait surgir des voix anciennes de documents écrits, les matérialisant dans les œuvres. Les installations d’art public permanentes qui en résultent sont des déclarations sur la propriété de la mémoire et affirment ce qui a existé historiquement — les cours d’eau, les grenouilles et les canoës, par exemple — au sein de paysages aujourd’hui urbains. Le long de la rue York, dans un secteur qui relie la gare ferroviaire et la boucle du métro de Toronto à la rive du lac Ontario, se trouve un sentier piétonnier. Houle a marqué une route vers le lac sur cette terre, qui remplit une zone qui était autrefois de l’eau. Une autre installation de Houle retrace le chemin du ruisseau Garrison, qui coule maintenant sous terre à travers une série d’égouts pluviaux. Dans les deux œuvres, Houle a conçu des animaux coulés en bronze sur des trottoirs, au sein des rues et parcs du quartier.