Portrait de madame Zimmerman 1943
Ce portrait de femme, l’un des rares de Prudence Heward dépourvus de paysage en arrière-plan, marque une rupture avec les œuvres antérieures comme Rollande, 1929. Plus que n’importe quel autre de ses tableaux, celui-ci témoigne de la connaissance et de l’intérêt de l’artiste pour l’expressionnisme et le postimpressionnisme, par sa façon d’utiliser la couleur pour communiquer des états émotionnels et transmettre ces impressions chez le spectateur. Dans Portrait de madame Zimmerman (Portrait (Mrs. Zimmerman)), le trait de pinceau en courbes et les teintes intenses rappellent des œuvres postimpressionnistes comme Le Café de nuit, 1888, de Vincent Van Gogh (1853-1890). Sur la toile de Heward, la chaise verte — qui semble pencher vers l’avant à l’encontre de la logique de la perspective — évoque la table de billard verte représentée en raccourci dans le tableau de Van Gogh. Comme Heward possède un exemplaire de l’ouvrage Van Gogh: A Biological Study de Julius Meier-Graefe paru en 1922, nous savons qu’elle connaît la vie et l’œuvre de l’artiste néerlandais.
Nous ignorons l’identité du modèle, mais nous pouvons supposer qu’il s’agit d’une commande puisque le titre révèle uniquement le nom de famille de son époux. Par contre, le tableau a été donné à la Galerie nationale du Canada (aujourd’hui le Musée des beaux-arts du Canada) par la famille de l’artiste en 1948, ce qui laisse croire que la commande ne vient pas de madame Zimmerman ni de son mari, à moins qu’ils aient retourné le portrait à l’artiste parce qu’ils en étaient insatisfaits. Il n’y a aucune explication au dos du portrait, qui porte uniquement la signature et l’année « 1943 ».
Portrait de madame Zimmerman fait partie de l’exposition sur Prudence Heward organisée en 1949 à la galerie Willistead située dans un manoir occupé par l’Art Gallery of Windsor en Ontario de 1943 à 1975. Un critique décrit ainsi ce tableau : « Dans ses portraits ultérieurs [comme] celui de Mme Zimmerman, le motif est toujours là, mais adouci. Les couleurs et la façon dont elles sont appliquées sont plus douces, et l’accent est mis sur l’individu plutôt que sur le tableau dans son ensemble ». Le modèle porte du rouge à lèvres et ses ongles sont vernis de la même couleur. Ces détails servent à indiquer que le modèle est une femme moderne, de la ville, au même titre que le cadre public d’un autre tableau de Heward, Au café (At the Café), v. 1929, qui positionne l’artiste Mabel Lockerby (1882-1976) comme un sujet féminin moderne.