Fort Edmonton v. 1849-1856

Paul Kane, Fort Edmonton, v. 1849-1856

Paul Kane, Fort Edmonton, Compagnie de la Baie d’Hudson;  Cris des Plaines, Assiniboines, v. 1849-1856

Huile sur toile, 43 x 71 cm

Musée royal de l’Ontario, Toronto

Si le penchant de Kane pour la documentation se trouve satisfait par le dessin d’après nature, avec ou sans recours à la camera lucida, la popularité du pittoresque l’incite à aborder et percevoir le monde empirique d’une certaine façon. Fort Edmonton illustre son emploi d’une convention picturale commune du pittoresque, où des vues en plongée et des formations terrestres sinueuses permettent au regardeur de « voyager » à l’intérieur de l’image.

 

Art Canada Institute, Paul Kane, Harlech Castle in Merioneth Shire with Snowdon at a Distance, by Paul Sandby, 1776
Paul Sandby, Château de Harlech dans le Merioneth Shire avec Snowdon au loin, 1776, gravure et aquatinte en sanguine sur vergé ivoire, 23,9 x 31,5 cm (plaque); 32 x 46,3 cm (feuille), National Library of Wales, Aberystwyth. Sandby (1731-1809) est un représentant bien connu du style pittoresque en Angleterre.

Bien que Kane passe de longues périodes dans les postes de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH), il n’existe aucune image de son cru documentant l’intérieur des forts. Comme le signale l’historien de l’art J. Russell Harper, les images panoramiques que réalise Kane de la présence de la CBH dans le paysage contribuent à renforcer à nos yeux l’ampleur de l’empire de cette compagnie. Avec ses palissades et ses tours d’angle, sans oublier sa situation sur un promontoire surplombant la rivière Saskatchewan Nord, le fort Edmonton doit avoir constitué, aux yeux de l’artiste, l’équivalent nord-américain d’un château de la vieille Europe, tel que Harlech, dans le nord du pays de Galles, qui est lui aussi situé sur un rocher surplombant un cours d’eau. Dans sa jeunesse, Kane avait d’ailleurs réalisé une copie (qui reste à identifier) d’une estampe du château de Harlech.

 

Kane effectue deux croquis au crayon, où l’on aperçoit le fort de loin, tantôt du sud-est, tantôt du sud. Pour cette huile sur toile, il choisit la vue du sud, permettant l’accès au fort par un sentier longeant la rivière. Il se trouve ici confronté à une scène présentant deux points de mire : la rivière qui s’étend au loin vers la gauche et le sentier qui aboutit dans le fort sur la droite. Le défi de Kane est alors de concilier ces deux points en une seule vue picturale. Il y parvient en intégrant des nuages dans le quadrant supérieur gauche, créant du coup un vaste « S » qui dirige notre regard du premier plan vers le promontoire, établissant ainsi un contact avec l’horizon et le ciel au loin.

 

De nos jours, l’idée que l’on se fait du pittoresque est souvent formulée dans le cadre d’une idéologie impérialiste. Si l’on considère Fort Edmonton dans cette optique, la reconnaissance des liens économiques entre l’empire et la colonie se trouve reflétée, chez Kane, par l’inclusion du fort, des tipis et de la rivière qui est essentielle à la traite des fourrures. En effet, tous ces éléments se retrouvent à la fois dans ses croquis et ses dessins préparatoires.

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