Présents de Madrid 1937
Présents de Madrid est la première œuvre au contenu politique exposée par Paraskeva Clark, qui la soumet à la Société canadienne des peintres en aquarelle pour l’exposition d’avril 1937, année de son élection à la société. La composition est très nette et significative étant donné le sujet; elle démontre l’habileté croissante de l’artiste à l’aquarelle.
L’intérêt naissant de Clark pour le rôle social de l’artiste et sa politisation se déclenchent quand elle fait la connaissance du Dr Norman Bethune en 1936. Elle les énonce par ailleurs dans un article qu’elle écrit pour le journal New Frontier en février 1937. Présents de Madrid exprime la sympathie de Clark pour la cause républicaine espagnole. Sur une table adossée à un mur s’empilent des objets envoyés d’Espagne par Bethune. On distingue un foulard ou un fanion de la CNT (Confederación Nacional del Trabajo), quelques partitions de musique médiévale espagnole, un calot des brigades internationales et le premier numéro du magazine Nova Iberia (janvier 1937). L’ensemble est une allégorie du conflit espagnol entre défenseurs de la culture ancienne et chantres d’un avenir plus brillant pour les citoyens du pays.
En inclinant les objets de cette nature morte vers le haut pour mieux les faire voir au spectateur, Clark cite encore une fois son professeur, Kouzma Petrov-Vodkine (1878-1939). La succession d’éléments en zigzag sur la toile se lit comme un collage dont l’effet d’aplanissement est accentué par la typographie. L’attrait nouveau de Clark pour le collage lui vient des magazines d’art russes qu’elle a commandés à New York à l’automne 1936 et qui contiennent des reproductions d’affiches politiques créées par des artistes de l’avant-garde comme Gustav Klutsis (1895-1938). Les photomontages de Klutsis, comme URSS : brigade de choc du prolétariat mondial), 1931, reproduite dans le quatrième numéro d’Iskusstvo (1933), rassemblent des images disparates en compositions vigoureuses, souvent accompagnées de slogans qui expliquent leur contenu politique.
Clark ne va toutefois pas jusqu’à éliminer totalement l’espace pictural. La profondeur est indiquée par le chevauchement des objets et par les ombres, en particulier sur la page de droite du manuscrit, là où la table se fond vers l’arrière-plan, sur la droite. Clark utilise un effet de « collage » similaire dans une aquarelle intitulée Mao Tse Tung, 1938, qui représente cette fois des objets que Bethune lui a envoyés de Chine.