Wavelength 1966-1967
Tourné en une semaine en décembre 1966, monté et présenté pour la première fois au début de l’année suivante, Wavelength n’est pas le premier film de Snow, mais c’est celui qui le catapulte hors de l’atelier du peintre, où il a été filmé, dans l’avant-garde internationale. On reconnaît d’emblée que Snow y a résolu, dans une forme parfaitement intégrée et remarquablement efficace, le désir de simplicité et de cinéma vérité qui émerge alors chez les cinéastes d’avant-garde, et qu’il a fait un usage imaginatif des qualités propres au procédé.
Toutefois, Wavelength est tout sauf simple, comme le suggère l’énoncé d’intention de Snow : dans ce film « Je voulais additionner mon système nerveux, mes doutes religieux et mes idées esthétiques. » Le nerf du film est son célèbre zoom à partir d’une position fixe de la caméra face à un mur percé de quatre grandes fenêtres à guillotine. Durant le film, l’angle de vue se rétrécit jusqu’à ce que le cadre soit rempli par une photo de vagues en noir et blanc, épinglée entre les deux fenêtres du centre. Les autres éléments de la pièce, où se déroulent quatre événements impliquant des gens, disparaissent. Le spectateur est amené à se concentrer sur cet élément central, la photographie — présente tout au long —, jusqu’à l’évanouissement de l’image et la fin du film.
Les quatre actions qui se déroulent devant la caméra sont l’installation d’une étagère sous la supervision d’une femme; le retour de cette femme avec une compagne et l’écoute de la radio; un bruit de verre brisé, suivi de la chute sur le plancher et de la mort présumée d’un personnage masculin; et la découverte de ce personnage par une autre femme, qui passe un coup de fil et quitte le loft. La caméra, sans aucun doute la protagoniste principale, est une présence qui se fait sentir tout au long du film, car elle bégaie parfois son vocabulaire filmique quand elle s’achemine vers la conclusion, un parcours dominé et intensifié par le son d’un signal sinusoïdal qui s’amplifie. Les couleurs de la lumière (réalisées au moyen de gélatines), la qualité artisanale du montage fantomatique de Snow et des éléments de pur hasard, comme le bruit qui monte de la rue, offrent évasion et consolation au spectateur qui est inexorablement attiré vers les profondeurs aqueuses de la scène finale.
Depuis son lancement, Wavelength a inspiré des textes aux principaux critiques et théoriciens de cinéma, notamment Manny Farber, Jonas Mekas, Annette Michelson et P. Adams Sitney. Le conservateur Philip Monk a intitulé sa contribution à The Michael Snow Project, — une exposition et un essai de catalogue sur la sculpture, le cinéma et le travail photographique de Snow (1967-1969) —, « Around Wavelength ». L’historienne de l’art Elizabeth Legge a écrit une étude sur Wavelength pour la série One Work, publiée par Afterall Books.
Au début des années 2000, quand Snow commence à s’intéresser au numérique, il crée WVLNT (ou Wavelength for Those Who Don’t Have the Time), 2003, en découpant le film en trois longueurs égales qu’il superpose. Conçue à l’origine pour une présentation au cinéma, l’œuvre devient aussi, en 2005, une installation en galerie projetée en boucle. La séquence d’actions très réfléchie de Wavelength, qui est un échafaudage et non une intrigue, est condensée dans WVLNT— le corps est découvert avant l’entrée trébuchante de l’homme. Mais cette préoccupation ne peut surgir que du souvenir de l’œuvre originale ou d’une présentation au cinéma. Dans la projection en galerie, l’effet visuel de la superposition est passionnant. Les vagues argentées, de trois échelles différentes, restent au cœur du film.