Aveuglement 1968

Michael Snow, Aveuglement, 1968

Michael Snow, Aveuglement, 1968

Acier et aluminium, 246,4 x 245,7 x 246,4 cm

Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa

Snow crée son premier groupe de sculptures en 1956. C’est une série de petites tables et chaises aux bords mous ou fondus, proches parentes du point de vue du style et du contenu, des dessins, des peintures et du film d’animation, A to Z, 1956, produits au même moment. Ses prochaines sculptures sont des constructions en bois peint — entre bas-reliefs et objets autoportants —, qui relient mur et plancher. La série Femme qui marche compte plusieurs œuvres tridimensionnelles, notamment un groupe important de figures en acier inoxydable commandées pour le Pavillon de l’Ontario à l’Expo 67Aveuglement donne une forme sculpturale à l’intérêt que Snow porte, ces années-là, à la perception sensorielle et à sa traduction formelle. En 1966, il dit à un journaliste, « Je veux rendre la vision palpable. »

 

Art Canada Institute, Michael Snow, Viewers inside the sculpture Blind
Des spectateurs à l’intérieur de la sculpture Aveuglement.

Aveuglement se compose de quatre partitions poreuses, faites de grillage d’aluminium dans des cadres d’acier. La construction rappelle la clôture de mailles de fer. Snow a spécifié quatre grosseurs de mailles différentes pour ses panneaux, montés en parallèle et formant un cube ouvert sur trois côtés. Les visiteurs sont invités à déambuler entre les panneaux comme dans des corridors ou un labyrinthe; ils voient la texture des panneaux de grillage intérieurs et ils voient à travers eux dans la galerie. Les personnes à l’extérieur voient les personnes dans le labyrinthe comme une partie de l’œuvre, des figures atomisées ou estompées, alors qu’elles se déplacent entre les panneaux. Snow compare cet effet à un dessin hachuré et à une caméra au et hors foyer. L’effet rappelle aussi la granularité d’un agrandissement photographique ou la qualité d’une impression offset, ces procédés existant à l’époque.

 

Une autre comparaison, que le titre suggère et qui est actualisée par étape par les panneaux, est la perte progressive de la vue. C’est peut-être une lecture biographique liée au père de Snow, mais elle reflète aussi la sensibilité de l’artiste, sa conscience de la vue par rapport aux autres sens (autres médias). Et ce n’est pas tout, car le titre en anglais « Blind » a d’autres significations que la privation physiologique ou psychologique de la vue. Un « blind » (une cache) est un abri pour chasseurs. « To blind » (aveugler), c’est gêner la vue par une lumière vive. L’aveuglement est aussi un refus de voir. Snow, le créateur de calembours, met sérieusement en jeu tous ces sens (et d’autres) dans cette œuvre sculpturale performative.

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