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Traces d’écarlate, morceaux de grenade 2005

Traces d’écarlate, morceaux de grenade, 2005

Mary Pratt, Threads of Scarlet, Pieces of Pomegranate (Traces d’écarlate, morceaux de grenade), 2005
Huile sur toile, 91,4 x 61 cm
Collection privée

Parmi tous les fruits que Mary Pratt choisit comme sujets au cours des années — bananes, cerises, oranges, raisins et pommes — elle revient systématiquement à la grenade. Ce fruit pulpeux, avec ses arilles d’un rouge vif, est porteur d’une connotation sexuelle chargée, de multiples fois révélée dans l’art et la culture, et s’avère irrésistible pour elle. Son tableau de 1993, Pomegranates in Glass on Glass (Grenades dans du verre sur du verre), par exemple, montre le fruit déchiré et dégoulinant de pulpe et d’arilles. L’œuvre évoque une sorte de mise à mort rituelle, comme si le fruit mis à mal constituait un sacrifice.

 

Cette œuvre de 2005 reprend l’allusion mais de manière plus extrême; Mary l’achève juste après que son divorce avec Christopher ne devienne définitif en 2004. (Ils vivaient séparément depuis douze ans). Dans une entrevue portant sur sa dernière rétrospective, Mary déclare à propos de cette peinture : « Elle semble presque dégouliner de sang. Je l’ai faite inconsciemment, vraiment, je ne me souviens pas l’avoir faite ni l’avoir vue. »

 

Mary Pratt, Pomegranates in Glass on Glass, 1993
Mary Pratt, Pomegranates in Glass on Glass (Grenades dans du verre sur du verre), 1993, huile sur panneau, 40,6 x 58,4 cm, collection privée.

La pulpe et les arilles de grenade semblent presque être de la chair, ce qui rappelle la peinture d’un morceau de viande crue telle que Sunday Dinner (Repas du dimanche), 1996. Les grenades sont présentées sur une surface argentée réfléchissante — du papier d’aluminium, plutôt qu’un plateau en bonne et due forme, comme dans Repas du dimanche. Le jeu de la lumière reflétée perturbe la surface, l’agite, accentuant le malaise et le sentiment de violence que la peinture exprime.

 

Au cours de sa dernière décennie productive de création, Mary Pratt revisite fréquemment ses thèmes antérieurs et tend à se concentrer sur des natures mortes comme Traces d’écarlate, morceaux de grenade. Son traitement est plus dramatique que la plupart de ses œuvres passées, le jus de grenade éclaboussant le papier d’aluminium. C’est une pièce techniquement difficile à réaliser, avec ses multiples reflets et son liquide translucide, et elle traduit l’intérêt particulier de l’artiste pour la violence contenue. Dans un texte portant sur une autre peinture de Pratt consacrée à la grenade comme sujet, Robin Laurence remarque que l’arille de ce fruit est depuis longtemps un symbole de fertilité, « s’inscrivant dans un continuum de passion, de conception, de bienveillance et de mort. »

 

La puissante « charge érotique » ressentie par Pratt près de quarante ans plus tôt devant le couvre-lit en chenille rouge froissé de The Bed (Le lit), 1968, est toujours sous-jacent. L’artiste elle-même rappelle : « Le rouge n’est pas seulement une couleur, c’est une émotion. » Lors d’un entretien avec le conservateur Jonathan Shaughnessy, elle développe :

 

Il ne fait aucun doute que je viens d’une maison qui était criblée de rouge. Des tapis rouges et une conviction envers le rouge, d’une manière ou d’une autre. Ma mère était peintre, et bien sûr cuisinière, etc. Et elle disait : « N’est-ce pas toujours merveilleux de mettre une cerise à la fin, parce que c’est si beau? » Et cela fait valoir l’idée : c’est rouge, c’est beau. Et, bien sûr, la gelée que nous avions était habituellement rouge et elle occupait une place d’honneur à la table de l’Action de grâce et de Noël. Ma mère disait qu’il valait mieux garder le rouge pour la fin, garder le meilleur pour la fin — le rouge, c’est le meilleur, mais ne commencez pas avec ça

 

 

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