La Joute, 1969-1970 (fonte en bronze v.1974)

La Joute est une fontaine conçue par Jean Paul Riopelle et sans doute son œuvre de sculpture la plus importante. Fondue vers 1974, cette installation cinétique d’art public est un groupe imposant de trente éléments de bronze qui encerclent la « Tour de la vie » et représentent différents animaux et figures mythologiques – dont le hibou, le poisson, l’ours et le chien – tirés de l’enfance et de l’imaginaire de Riopelle. La « joute » en question dans cette œuvre, ça n’est pas le hockey, mais le drapeau, un jeu qui consiste à apporter le drapeau dans le but de l’adversaire sans se le faire enlever par l’équipe adverse. 

Quand on s’approche de l’œuvre, on peut y voir des sculptures individuelles, représentant soit un curieux personnage à trois pattes, soit des animaux plus ou moins mystérieux qui, rassemblés, constituent un bestiaire ludique de « joueurs » énigmatiques. Ils sont placés dans un étang entouré d’une ligne de feu créée par des jets de gaz naturel dans une séquence cinétique dont le cycle s’étend sur 32 minutes. Il s’agit d’une œuvre majeure et monumentale dont Riopelle expose la version en plâtre pour la première fois en 1970, à la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence.

Sa vie durant, Riopelle est intéressé par la sculpture. Probablement sous la lointaine influence de son maître, Henri Bisson (1900-1973), dont la pratique tient d’abord dans la sculpture fondée sur le dessin d’après modèle vivant. En 1960, peu après sa rencontre avec Joan Mitchell (1925-1992), Riopelle reprend officiellement sa pratique de sculpture, un moyen d’expression qu’il affirme explorer depuis 1947. Alors en France, Riopelle se dévoue à la sculpture, notamment à l’atelier de Roseline Granet (née en 1936), qui a mis sur pied la fonderie Berjac à Meudon, avec Jacques Delahaye (1928-2010), Turriddu Clementi (1916-1983) et Riopelle.

Le modèle pour La Joute est d’abord façonné dans la glaise, puis élaboré au plâtre et enfin coulé dans le bronze en 1974, en Italie. Deux ans plus tard, l’œuvre est installée au Stade olympique de Montréal, près du métro Pie-IX, pour les Jeux olympiques d’été de 1976. Riopelle n’était pas très heureux de cette localisation : un café ouvert à peu de distance de l’œuvre tendait à la banaliser. Grâce à la générosité de nombreux donateurs, la sculpture a été transférée sur la Place Riopelle, au cœur du quartier des affaires de Montréal, où elle se trouve encore, tout en restant la propriété légale du Musée d’art contemporain de Montréal.