Les Ursulines 1951
Les Ursulines annonce le langage de maturité par lequel Jean Paul Lemieux affirmera bientôt sa personnalité artistique. Le peintre simplifie la composition, élimine le modelé et libère son propos des éléments anecdotiques qui caractérisent sa période primitiviste (1940-1946).
Lemieux considère la peinture de son temps comme une suite de longues recherches, de tâtonnements et d’épuration. On peut apprécier son processus de création en comparant le tableau final avec son esquisse préparatoire, peinte la même année. Le peintre compartimente l’espace en un éventail restreint de motifs horizontaux, verticaux et anguleux que seules quelques courbes allègent : les voiles des religieuses, les trois arcades et une entrée aveugle. Cette géométrisation crée un effet de permanence qui est renforcé par la palette sobre. Dans l’esquisse, le peintre avait d’abord opté pour une gamme où dominent les lumières de l’ocre, de l’orangé et du vert, avec quelques accents stridents de rouge. L’œuvre finale valorise plutôt les couleurs froides et la déclinaison du noir et du blanc. Les Ursulines est un exemple saisissant d’unité formelle et chromatique.
À l’effet de permanence s’ajoute celui d’enfermement, que traduisent les murs aveugles des bâtiments, les ouvertures condamnées et l’absence d’horizon. Les religieuses, venues de Tours et de Dieppe au dix-septième siècle pour se consacrer à l’éducation de la jeunesse autochtone et française, demeureront cloîtrées jusqu’en 1967. Lemieux les représente dans leur jardin, unique espace qui leur est autorisé à l’extérieur des murs du couvent.
Les Ursulines est l’évocation puissante de la vie monastique, du mouvement suspendu dans un temps indéfini où seuls l’arbre, les fruits dans le panier et les ombres portées nous ramènent à la réalité d’une journée d’été ensoleillée.