Autoportrait 1974
En 1974, année où il peint cette toile, Lemieux a 70 ans. Il s’agit de son unique autoportrait malgré qu’il se soit représenté à quelques reprises durant sa période primitiviste (1940-1946), notamment dans Portrait de l’artiste à Beauport-Est, 1943, et La Fête-Dieu à Québec, 1944. Une vingtaine d’années plus tard, dans des œuvres devenues des icônes de sa période classique (1956-1970), il peint l’enfant qu’il a été dans le célèbre 1910 Remembered, 1962, puis dans L’été de 1914, 1965.
Autoportrait expose les temps de vie du vieux peintre. Lemieux lui-même, dos tourné au passé, lance un regard où se lit toute la solitude d’un homme devant l’inexorable écoulement du temps. On le voit ici à trois âges différents — enfant, adolescent et vieillard — comme dans une image d’Épinal. Les tableaux superposés sur le mur blanc évoquent d’autres tranches de sa vie. Le visiteur du soir, 1956 et Le cavalier dans la neige, 1967, illustrent la maturité picturale à laquelle l’artiste est parvenu. Ils jouent un rôle à part entière dans ce récit autobiographique qui associe l’homme et le peintre.
La puissance d’évocation du temps et surtout l’insistance avec laquelle le spectateur est « convoqué » par le peintre dans Autoportrait, résultent de la combinaison équilibrée d’éléments formels. Le sol rouge tranche avec la clarté du décor. Les figures prennent la position frontale. Les corps sont fractionnés par les murs et les encadrements. Notre propre réflexion est stimulée par la présence de tableaux dans le tableau, et par ces êtres qui traversent les dimensions du temps et de l’espace.