Les draveurs sur la rivière 1914, 1925
Les draveurs sur la rivière est l’un des rares paysages marins de l’œuvre de Watson. Le tableau montre une équipe de draveurs conduisant des billots de bois fraîchement coupés entre des falaises abruptes et des collines, sous un ciel étrange et menaçant. Le tableau présente une forte similitude de composition avec une œuvre antérieure, Smugglers’ Cove, Cape Breton Island, Nova Scotia (Smugglers’ Cove, Île du Cap Breton, Nouvelle-Écosse), 1909, inspirée d’un voyage en bateau autour de l’île du Cap-Breton que Watson a réalisé avec son protecteur montréalais James Ross. (Ross possédait une propriété et avait des intérêts financiers sur l’île.) En 1922, repensant à sa carrière, Watson évalue Les draveurs sur la rivière comme étant l’un de ses meilleurs tableaux. Pourtant, en 1914, lorsqu’il en achève la première version, il confie « broyer du noir devant mon incapacité à maîtriser le thème tel qu’il est perçu dans la vision ».
Norman MacKenzie, un avocat venu de Saskatchewan et membre du conseil d’administration de la Galerie nationale du Canada (aujourd’hui Musée des beaux-arts du Canada), n’a pour sa part aucun doute. MacKenzie est un fervent admirateur du « style lourd » de Watson et de son « austérité naturelle », deux caractéristiques qui sont évidentes dans Les draveurs sur la rivière, et c’est avec bonheur qu’il paie les frais d’achat de 500 $. Avant de livrer le tableau, Watson lui donne de la visibilité en le présentant à l’Exposition nationale canadienne, à l’Exposition de printemps de l’Art Association of Montreal et au Canadian Art Club (tous trois en 1914), ainsi qu’à la Panama-Pacific International Exposition de 1915 à San Francisco. Le succès que connaît Les draveurs sur la rivière dans ces expositions dissipe les doutes de Watson quant à sa qualité.
Je pensais que je n’y arrivais pas, écrit-il, mais comme il est ici [dans l’exposition du Canadian Art Club] et placé au centre du mur à la droite de la galerie — la place d’honneur — je vois que j’ai construit mieux que je ne l’aurais cru. Tous mes frères artistes disent que c’est l’une des meilleures choses que j’ai jamais faites… J’aurais aimé pouvoir en être satisfait plus tôt.
En attendant l’arrivée du tableau, MacKenzie se contente d’un croquis à l’huile sur carton dessiné en préparation de la version plus grande. Cette étude est une rareté dans le travail de Watson et ajoute à l’intérêt de la peinture — peu d’autres esquisses à l’huile, à petite échelle pour des peintures plus grandes, ont été identifiées. Lorsque le tableau terminé parvient finalement à MacKenzie, il en est ravi. Onze ans plus tard, Watson retouche des parties de son œuvre Les draveurs sur la rivière avec des couleurs plus claires, conformément à sa palette changeante du début des années 1920, ce qui a pour effet de rendre plus visibles les détails. MacKenzie confirme avec enthousiasme qu’il pense que l’image révisée est encore plus efficace que l’image originale de 1914 : « Je suis d’accord avec vous qu’il s’agit là au moins de l’une des meilleures choses que vous ayez jamais faites. »