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Carte de l’Amérique du Nord 1972

Greg Curnoe, Carte de l’Amérique du Nord, 1972

Greg Curnoe, Map of North America (Carte de l’Amérique du Nord), 1972
Encre de Chine sur papier, 29,5 x 22,2 cm
Dalhousie Art Gallery, Université Dalhousie, Halifax

En 1972, Greg Curnoe réalise la première de plusieurs cartes de l’Amérique du Nord, fort probablement à la suite d’une commande pour illustrer la couverture du numéro de janvier 1973 du Journal of Canadian Fiction. Ce dessin à l’encre puise dans son intérêt pour les cartes et les îles venu de la philatélie (enfant, Curnoe collectionnait les timbres-poste) et d’une courte expérience professionnelle en cartographie acquise dans le cadre d’un emploi d’été pour le service de l’arpentage de la ville de London. Il est important parce qu’il exprime son anti-américanisme féroce en gommant complètement les États-Unis, mais en nommant les îles petites et grandes, du Groenland à l’obscur îlot Clipperton, un atoll inhabité dans le Pacifique qui est bien connu des radio-amateurs.

 

Art Canada Institute, Greg Curnoe, Untitled, 1990
Greg Curnoe, Sans titre, 1990, argile cuite émaillée, 68 x 50 x 2 cm, Museum London. 
Art Canada Institute, Greg Curnoe, America, July 1989
Greg Curnoe, Amérique, juillet 1989, épreuve d’essai II, 2e état, lithographie couleur sur papier vélin, imprimée par Don Holman, 73,9 x 57,6 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

Curnoe se souvient d’avoir entendu parler de certains conflits historiques au sujet de la frontière canado-américaine dans ses cours : « Les professeurs de l’école publique ont tous parlé de la péninsule de l’Alaska [. . .] et de la façon dont les États-Unis l’ont obtenue, ainsi que le territoire de l’Oregon et la portion du Maine qui s’enfonce dans le Nouveau-Brunswick. » Puis, pendant les années 1960, il a conscience des débats qui font rage au Canada au sujet des avantages du nationalisme sur ceux du continentalisme ou de l’internationalisme. Dès 1951, une commission d’enquête dirigée par Vincent Massey sur les arts, les lettres et les sciences au Canada a évoqué des dangers que l’influence américaine représente pour les médias et le milieu de l’édition. Comme Curnoe vit à London, une ville située à moins de deux cents kilomètres de la frontière américaine, il est lui-même un témoin direct de l’arrivée au Canada de filiales d’entreprises des États-Unis et de professeurs américains. Son anti-américanisme personnel s’intensifie davantage en 1965 quand un ami est victime d’une violente attaque à New York. Il fait les manchettes avec son humour et son ironie, comme dans cette déclaration de 1970 : « Tous les atlas canadiens devraient montrer que la frontière sud du Canada est contiguë au Mexique. Des ponts et des tunnels doivent être construits entre ces deux pays. »

 

En redessinant la carte de l’Amérique du Nord, Curnoe connaît peut-être l’existence de la carte du monde faite par un artiste surréaliste anonyme en 1929 qui a reconfiguré les continents en éliminant complètement les États-Unis. Pince-sans-rire, il fait ici un commentaire correspondant à son point de vue sur l’impérialisme culturel. Sheila Curnoe se souvient que son mari est entré dans la cuisine après avoir réussi à rattacher le Mexique à la frontière canadienne : « Il était tellement fier de lui. Il riait. C’était pour être drôle et ça ne devrait pas être pris au sérieux à ce point-là ». Curnoe réalise d’autres versions de cette carte, mais c’est celle-ci qui est exposée le plus souvent, particulièrement à titre d’exemple d’art conceptuel.

 

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