Basses-terres no 9 1970
Basses-terres no9 représente la première œuvre à s’inspirer directement du voyage de Gershon Iskowitz à Churchill, au Manitoba, en 1967, et des vols effectués au-dessus du paysage environnant. Ces treize tableaux sont uniques dans son œuvre parce qu’ils ont tous en commun une bande centrale aux couleurs vives avec une « tige » qui s’étend jusqu’au bas de la toile. La seule exception est un tableau de Basses-terres daté de 1969-1970, qui comporte deux tiges. Iskowitz a expliqué qu’en survolant le paysage à bord de l’avion, les peintures de la série Basses-terres évoquent le paysage à basse altitude, et les peintures de la série Uplands (Hauteurs) qui ont suivi reflètent le paysage alors que l’avion prend de l’altitude.
Si l’élément en forme de tige représente un estuaire — l’embouchure de la rivière Churchill qui se jette dans la baie d’Hudson — alors la bande qui traverse le sommet est le ciel et les formes latérales près du bord inférieur représentent la terre qui crée l’embouchure de l’estuaire. Pourtant, les deux éléments latéraux et la bande supérieure sont réalisés avec les mêmes couleurs claires et la même technique de peinture horizontale. De la série, seule Basses-terres no9, avec sa bande centrale bleue, semble représenter l’eau. Les autres bandes-tiges de la série sont peintes en vert et en violet, et une en orange. Les différences de couleur sont-elles une autre observation du paysage et de cette expérience subarctique de l’été, avec ses fleurs sauvages et ses lichens? Il est fort probable que la série Basses-terres soit une expression picturale inédite reflétant l’expérience de vol d’Iskowitz, dans le Nord.
Les petites grappes de deux ou trois mouchetures avec des combinaisons de couleurs différentes et assurées dans Basses-terres no9 représentent un nouvel élément dans le travail d’Iskowitz, un élément qui se retrouve dans toutes les peintures de Basses-terres. Ces grappes montent-elles ou tombent-elles? Iskowitz ajoute encore une contradiction formelle avec les zones peintes plus claires en haut et en bas, à gauche et à droite. S’agit-il d’un espace négatif, et nous regardons à travers la masse de la bande centrale bleue? Cet espace pictural incertain ne ressemble en rien à la peinture non figurative dominée à l’époque par des artistes canadiens comme Jack Bush (1909-1977), Yves Gaucher (1934-2000) et Guido Molinari (1933-2004). Ces pièces de Basses-terres ne s’inscrivent pas non plus aisément dans aucune des catégories abstraites actuelles du colour-field, hard edge ou peinture optique systémique. Elles sont uniques.
Une approche inédite des peintures de Basses-terres consiste à les comparer à la peinture à trois panneaux Uplands (Hauteurs) qu’Iskowitz a réalisée en 1969-1970. Son plus grand tableau à ce jour, il comprend trois panneaux au sommet arrondi qui rappellent les tablettes hébraïques et les fenêtres des églises, des synagogues et des hélicoptères. Comme dans la série Basses-terres, une bande centrale dominante traverse les panneaux — bleu pour les panneaux latéraux gauche et droit, et vert de cuivre dans le panneau central. Le sol, ou les bandes supérieure et inférieure, est blanc. Là encore, les grappes de mouchetures sont réparties sur l’ensemble de l’œuvre — cinq sur les panneaux gauche et droit, et sept sur le panneau central — mais de façon équilibrée et non irrégulière. Il y a aussi six « sentiers » en couleur, qui n’apparaissent pas dans la série.
La peinture à trois panneaux Hauteurs a été commencée en 1969 et achevée au début de 1970. Les premières peintures de Basses-terres, n°6 et n°10, datent de 1969 (Iskowitz ne semble pas avoir numéroté les œuvres dans l’ordre de leur production). C’est à cette époque qu’il invente un langage pictural ou calligraphique qui sera le sien propre et qu’il continuera à développer tout au long de sa période de maturité.