FILE Megazine, « Glamour Issue » 1975
Créé par General Idea en 1972, FILE Megazine sera publié jusqu’en 1989, pour un total de 26 numéros. La couverture plagie le célèbre magazine américain LIFE, mais le contenu est tout autre. Le titre est d’ailleurs manifestement un jeu avec le mot life et une référence évidente à la notion de l’art qui imite la vie et de la vie qui imite l’art. Dans les mots du groupe, FILE est « un parasite culturel qui est transporté par le sang des systèmes de distribution commerciaux dominants et qui altère subtilement le corps de l’hôte ». Regorgeant de « piques et de calembours, et empilant les niveaux cryptiques de faits et de fiction », le magazine est une plateforme riche de multiples facettes grâce à laquelle General Idea diffuse sa propre mythologie.
L’« Édition Glamour » de FILE « fait la lumière sur la nature du glamour et son rôle dans notre art », pour reprendre les mots de ses créateurs. L’éditorial annonce d’emblée la dérive entre faits et fiction : « Rien que du mythe, pas de contenu. Ou peut-être l’inverse? » On pourrait en dire autant de toute la pratique du trio.
L’article de fond, intitulé « Glamour », est un manifeste en quatorze pages denses, rédigé par General Idea. Il présente les trois collègues comme des architectes. Suivent des collages (l’une de leurs techniques préférées) et des projets du groupe, dont Artist’s Conception: Miss General Idea 1971 (Vue de l’artiste : Miss General Idea 1971), 1971. L’article puise à l’œuvre de philosophes et d’écrivains, dont Roland Barthes (1915-1980), William S. Burroughs (1914-1997) et Gertrude Stein (1874-1946), qui ont une forte influence sur le trio. Les passages choisis sont arbitrairement modifiés, notamment par la substitution du mot « glamour » au mot « mythe » dans les textes de Barthes. General Idea justifie l’appropriation en affirmant que le glamour passe forcément par le vol. « Nous savions que pour atteindre au glamour, il nous fallait plagier. »
Les membres de General Idea rêvent en effet d’être considérés comme glamour et d’en profiter pour eux-mêmes, mais reconnaissent que le sujet reste tabou en 1975. « L’article […] a été écrit à une époque où il était de très mauvais goût de parler de glamour dans le monde artistique. C’était bien le dernier sujet qu’il fallait aborder! Comme l’argent et la célébrité, du reste. » L’« Édition Glamour » est un parfait exemple du genre de transformation humoristique, voire ironique, d’un concept existant.