Tondo VIII 1980
Tondo VIII est un grand canevas circulaire aux bords légèrement effilochés, présenté sans encadrement. La surface est peinte grossièrement dans les tons de bleu foncé. Les coups de pinceaux sont apparents et, avec les rayures et les irrégularités de la toile qui perturbent sa planéité, ils mettent en évidence la matérialité de l’œuvre et le travail physique du geste de peindre. La corde de jute sur la surface de l’œuvre vient aussi défier l’harmonie de la forme circulaire et monochrome. La corde, un élément sculptural ajouté à la peinture, est accrochée au haut de la toile et pend devant toute sa surface jusqu’à reposer sur le sol, où elle s’étend sur environ trente centimètres. Ce faisant, elle ouvre la composition à l’espace de la galerie et elle « tire » le spectateur dans l’œuvre.
Achetée en 1984 par le Musée national des beaux-arts du Québec, cette œuvre est un exemple significatif du retour de Sullivan à la peinture, après environ trente-cinq ans de pratiques artistiques autres; elle a délaissé la peinture dans les années 1940 et s’est consacrée à l’exploration de la danse, la sculpture et l’art conceptuel. Durant les années 1970, Sullivan visite l’Italie à plusieurs reprises et elle passe beaucoup de temps dans les musées et les galeries, intéressée tant par l’art ancien que contemporain. Durant un séjour à Rome, elle rencontre des membres de l’Arte Povera qui préconisent l’utilisation dans leurs œuvres de matériaux non traditionnels, comme des déchets, du tissu et des objets trouvés dans la nature, et qui se concentrent sur le processus artistique plutôt que sur l’objet achevé. Sullivan avait toujours souhaité revenir à la pratique de la peinture. Ses échanges avec les artistes de l’Arte Povera l’incitent à le faire, sans mettre de côté son intérêt pour la matérialité développé en tant que sculptrice, ni son engagement à mettre de l’avant le processus artistique tel qu’elle l’avait exprimé par la danse et la performance.
Souvent monochromes, découpés et réassemblés, les Tondos sont circulaires en qualité de quoi ils révèlent le traitement d’une forme archétypale récurrente dans bon nombre des œuvres antérieures de Sullivan. L’extrême simplicité, tant de la composition que des matières utilisées, rappelle une série de photographies créées par Sullivan dans les années 1970, qui documentent des performances dans lesquelles elle dispose sur le sol, en forme de cercle, des pierres et d’autres objets trouvés dans la nature.