Callooh Calley 1967
À la fin des années 1950, Sullivan se tourne vers la sculpture, un médium qui lui offre une certaine flexibilité durant la période où elle élève ses quatre enfants, et elle s’affirme rapidement comme l’une des sculptrices modernes les plus importantes du Québec. En 1966, pour le compte de la Compagnie canadienne de l’exposition universelle de 1967 (l’organisme gouvernemental créé en 1962 ayant comme unique objectif l’organisation d’Expo 67), Arnold Phillips lui confie le mandat de créer une sculpture monumentale pour le site de l’exposition, qui se déploierait entre l’île Notre-Dame, île artificielle alors récemment créée, et l’île Sainte-Hélène, pour sa part massivement agrandie, toutes deux situées dans le fleuve Saint-Laurent, à l’est de Montréal.
Callooh Callay, à l’origine installée près du pavillon du Japon sur le site d’Expo 67, est composée d’une série de formes géométriques — des cercles et un carré — agencées autour d’un axe vertical, le tout peint d’un rouge vif. La composition de cette œuvre rappelle une sculpture préalable réalisée par Sullivan en 1962, Chute concentrique, pour laquelle on lui a attribué le premier prix du Concours artistique de la province de Québec en 1963. Le travail est fait d’acier découpé et assemblé à une usine à l’extérieur de Montréal. Jusqu’alors, Sullivan avait toujours soudé ses propres sculptures, mais devant l’ampleur considérable de l’œuvre — près de trois mètres de hauteur — elle a été contrainte de demander de l’aide.
Le titre, Callooh Callay, est tiré de l’ouvrage de 1871 de Lewis Carroll, Through the Looking-Glass and What Alice Found There. C’est une expression de joie. Et la sculpture monumentale est étonnamment ludique. La couleur rouge lui est inspirée par les engins des pompiers et les camions qui fascinent Sullivan et ses quatre jeunes fils lors d’un été passé dans les Cantons-de-l’Est au Québec. La couleur brillante évoque les véhicules publics, mais davantage encore les jouets d’enfants et ceci vient s’opposer à la perception de l’acier comme matériau industriel. L’organisation des formes, qui semblent voler vers le haut ou dégringoler vers le bas, crée un contraste avec la stabilité de l’élément vertical et le poids évident de la matière dans laquelle elles ont été découpées. Le critique d’art Yves Robillard a vanté cette sculpture de Sullivan la considérant comme l‘une des plus réussies de l’Expo, et a énoncé que : « aucune impression de pesanteur n’est ressentie à la vue de cette pièce. »
En 1968, après la clôture de l’Expo, Callooh Callay a été donnée à l’Université de Regina, en Saskatchewan. Le coûteux transport de Montréal à Regina a été financé par la compagnie Seagram. La sculpture monumentale a été installée sur le campus de l’Université de Regina, exposée aux éléments. Au cours des décennies, elle s’est dégradée par la rouille et lorsqu’elle a été endommagée par un camion. L’Université de Regina a fait restaurer l’œuvre en 2010.