Série Notes d’acier 1988-1989
La série Steel Notes (Notes d’acier) de Betty Goodwin rappelle des bornes commémoratives. Elle évoque également le spectre de l’Holocauste qui commence à émerger plus clairement à ce stade de son travail.
En 1989, Goodwin est la créatrice choisie pour représenter le Canada à la 20e Biennale de São Paulo. France Morin – dont la galerie montréalaise éponyme a exposé les œuvres de Goodwin pendant deux ans, jusqu’à ce qu’elle quitte en 1983 pour diriger la galerie 49th Parallel à New York –, est alors conservatrice au New Museum de New York, et le Musée des beaux-arts du Canada la charge d’organiser la participation de Goodwin à la biennale. Outre plusieurs dessins, six pièces de la plus récente série de l’artiste, Notes d’acier, sont exposées à São Paulo. La force magnétique liant ces éléments composés de ferrite, tels des morceaux d’acier, des accumulations instables de limaille de fer, des fils et des clous, agit telle une métaphore illustrant comment un grand pouvoir peut être exercé de manière invisible. Dans ces œuvres, Goodwin griffonne des phrases énigmatiques de l’écrivain américain d’origine roumaine Elie Wiesel et du chimiste italien Primo Levi, tous deux survivants de l’Holocauste. Quatre ans plus tard, elle écrit ces phrases dans son carnet de notes, dans le contexte d’une citation du journal du ghetto de Varsovie de Stanislaw Rozycki.
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Betty Goodwin, Steel Notes (Notes d’acier) de la série Steel Notes (Notes d’acier), 1988-1989
Ferrite, acier, limaille d’acier, pastel et cire sur acier, 52 x 40 cm
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Betty Goodwin, Bestially Contrived Walls (Murs sauvagement artificiels) de la série Steel Notes (Notes d’acier), 1988-1989
Ferrite, acier, limaille d’acier, pastel et cire sur acier, 52,1 x 40 x 3,1 cmMusée d’art contemporain de Montréal
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Betty Goodwin, It Is Forbidden to Print (Il est interdit d’imprimer) de la série Steel Notes (Notes d’acier), 1988-1989
Ferrite, acier, limaille d’acier, pastel et cire sur acier, 52 x 40 x 3,7 cm
Musée d’art contemporain de Montréal
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Betty Goodwin, Komme, Komme, Komme, de la série Steel Notes (Notes d’acier), 1988-1989
Ferrite, acier, limaille d’acier, pastel et cire sur acier, 57,2 x 43,2 x 7 cm
Musée d’art contemporain de Montréal
De cette œuvre précise se dégage un lourd sentiment de futilité – « tout est déjà compté » -, comme s’il n’y a plus rien à faire et qu’il n’y a plus d’issue. Cette condition se manifeste dans la minuscule ouverture, semblable à un four, qui se trouve au centre d’une petite pièce d’acier, ainsi que dans la limaille de fer qui s’échappe d’une protubérance ressemblant à un entonnoir de cheminée, et qui évoque de la fumée qui s’envole : les références sont évidentes. D’autres œuvres de la série contiennent des expressions telles « one little gate [une petite porte] » et « Bestially Contrived Walls [des murs sauvagement conçus] », qui suggèrent la faible possibilité de pouvoir s’échapper. Le corps, un sujet qui préoccupe Goodwin depuis longtemps – que ce soit indirectement, comme dans sa série Vest (Gilet), 1969-1974, ou dans ses dessins – est absent de ses Notes d’acier, mais les thèmes connexes de l’enfermement et de la souffrance prédominent. L’intérêt croissant que porte Goodwin à la recherche de méthodes sculpturales susceptibles de transmettre la cruauté qu’elle observe dans le monde l’amène à expérimenter avec les aimants comme éléments principaux de cette série d’œuvres, succinctes et concentrées qui, à l’instar des dessins, sont essentiellement plates et graphiques.
La force magnétique lie les compositions d’éléments de ferrite – morceaux d’acier, accumulations instables de limaille de fer, fils et clous – qui expriment métaphoriquement la façon dont un grand pouvoir peut être exercé de manière invisible. Goodwin déclare : « L’expression « “Steel Notes” connote, pour moi, une certaine façon de prendre des notes, une difficulté terrible à comprendre, à composer avec toutes ces informations pénibles que nous recevons et qui semblent ne laisser aucun espoir. L’acier me semble avoir la même impénétrabilité que certains de ces problèmes qui sont si accablants et si désespérés. J’ai intégré citations de différents écrivains à “Steel Notes”, citations qui se trouvaient depuis longtemps dans mes carnets. J’ai trouvé un moyen de les utiliser pour dire ce que je voulais dire. […] j’estime que les aimants ont une aura magnétique et exercent aussi une pression incroyable. » Le champ magnétique offre à Goodwin le moyen d’expression idéal pour introduire un élément de hasard ou de ténuité, aspects qu’elle recherche dans ses dessins. Comme dans l’ensemble de son œuvre, l’effet de ces petites pièces dépend d’un jeu de substance visible et de présence intangible. Notes d’acier marque une pause importante dans l’œuvre de Goodwin, et témoigne de sa recherche de nouveaux effets matériels et de méthodes inédites, qu’elle continuera de développer dans ses œuvres sculpturales subséquentes.