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Gilet no 1 1969

Gilet no 1

Betty Goodwin, Vest One (Gilet no 1), août 1969

Eau-forte au vernis mou, eau-forte, pointe sèche et roulette avec pastel à l’huile et mine de plomb sur papier vélin, 70,7 x 56 cm (ensemble), 60 x 45,9 cm (planche)

Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa

Gilet no 1, simple impression frontale d’un gilet d’homme, est l’image emblématique qui a lancé la carrière de Betty Goodwin et l’a propulsée au rang des artistes les plus célèbres du Canada. Goodwin développait une pratique artistique depuis déjà deux décennies, explorant l’art de l’estampe de manière autodidacte et travaillant sur une petite presse, quand un cours de gravure, suivi à l’Université Sir George Williams (aujourd’hui l’Université Concordia) à la fin des années 1960, l’initie à l’eau-forte au vernis mou et génère une percée dans son travail. Le procédé permet de produire une réplique détaillée, en deux dimensions, de l’objet original. Goodwin, fascinée par le caractère direct de l’image qui en résulte, reconnaît immédiatement le potentiel de cette technique. Pour ses premières expériences, elle imprime ses propres gants de travail. Parmi les nombreux autres objets que Goodwin passe à la presse, on retrouve des canettes de boissons et des bouchons de bouteilles ramassés dans la rue, ainsi que des chapeaux, des chemises, des colis et des nids d’oiseaux.

 

Betty Goodwin, Gloves One (Gants no 1), 1970, eau-forte au vernis mou et eau-forte sur papier vélin, 50,3 x 64,7 cm (ensemble), 27,7 x 33,6 cm (planche), Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.
Betty Goodwin, Nest with Hanging Grass [Nest Six] (Nid avec herbe suspendue [nid no 6]), 1973, eau-forte au vernis mou sur papier, 65,5 x 49,8 cm (ensemble), 42 x 35 cm (image), Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto.

Lorsqu’elle grave pour la première fois un gilet d’homme, l’image fantomatique qui en résulte fait ressortir un traumatisme d’enfance, celui de la perte de son père, un fabricant de gilets. Elle explique : le gilet « est lié à des expériences qui ont été enfouies. C’est quelque chose à quoi je m’identifie pleinement, totalement… le point de départ de tout le reste ». Dans une page de son carnet, on retrouve également la citation suivante : « Un parent perdu est comme un pont perdu entre l’enfant et le monde extérieur. »

 

Ce thème des gilets obsède Goodwin pendant plus de trois ans et la série d’estampes qui en résulte est la première œuvre qu’elle considère significative et entièrement sienne. Plus important encore, elle reconnaît que ces images sont porteuses de plusieurs niveaux de lecture, indépendamment de sa biographie. Incapable d’abandonner cette image avant d’en avoir épuisé le potentiel, elle en tire plusieurs versions gravées qu’elle enrichit bientôt par l’usage d’autres matériaux et techniques, notamment la peinture, la mine de plomb, le collage.

 

Les gravures des gilets reçoivent un accueil enthousiaste de la part de la critique. Dans le Montreal Star, en mars 1970, Arthur Bardo écrit lors de la première exposition des gilets de Goodwin : « Les illustrations récentes de Betty Goodwin exposées à la Galerie 1640 trahissent certaines des idées les plus nouvelles que l’on ait vues en ville cette saison. Il ne s’agit pas, comme le serait le dessin, d’une transposition de formes tridimensionnelles peu profondes en un code bidimensionnel. Elles sont plutôt l’expression des possibilités formelles créées par la compression de cet espace peu profond. » Ses gravures capturent la texture de chaque fil et la souplesse du tissu, consignant intimement la vie du vêtement au fil du temps. Traitées comme des emblèmes de la vie plutôt que ses rebuts, les images de ses gilets sont en fin de compte des empreintes de leur propriétaire, du corps absent qu’ils ont autrefois habillé. Les gilets libèrent Goodwin des approches conventionnelles de la représentation de la figure qu’elle pratique depuis plus de vingt ans et établissent le thème de la présence et de l’absence du corps, qui traverse l’ensemble de son œuvre. Les gilets sont généralement considérés comme le véritable début de la carrière artistique de Goodwin, une assertion qu’elle a elle-même revendiquée.

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