Ultrahomo v.1912-1913
Ce dessin datant des débuts de l’oeuvre de Brooker emprunte à l’Art nouveau tel que pratiqué par Aubrey Beardsley (1872-1898) ses lignes sinueuses. Il est créé à l’époque où Brooker élabore son concept d’ultimatisme, une théorie consacrée à la libération de la nature spirituelle des êtres humains. Il présente une curieuse créature, semblable à un extraterrestre qui regarde attentivement le spectateur. Le visage d’Ultrahomo est clairement défini, mais ses bras et le reste de son corps ont peu de substance. Ce personnage vit dans un monde qui n’est pas celui de l’existence humaine ordinaire. Adam Lauder a suggéré une source possible pour cette image : « les traits embryonnaires d’Ultrahomo, ses yeux qui ressemblent à des blastodermes documentent l’intérêt précoce de Brooker pour les développements contemporains en biologie ainsi que pour les débats philosophiques suscités par la théorie de l’évolution. »
Ultrahomo est le nom qu’a donné Brooker au personnage conçu par Friedrich Nietzsche (1844-1900), le surhomme, qui devait être plusieurs choses, «« Visionnaire, volontaire, créateur, avenir lui-même et pont vers avenir». Ultrahomo n’est pas tant héroïque que d’un autre monde, et c’est peut-être précisément ce que Brooker voulait illustrer avec cette représentation. Tout comme le surhomme de Nietzsche, Ultrahomo réside dans un monde qui est très loin de l’expérience humaine ordinaire. Il rejette les valeurs matérialistes et indique la voie à suivre pour atteindre un monde spirituel.
La représentation d’Ultrahomo comme personnage quasi monstrueux, presque comique, reflète peut-être l’insatisfaction de Brooker par rapport à la conception qu’a Nietzsche du surhomme. Si Brooker est fortement influencé par le philosophe allemand, l’athéisme et la promotion de la violence dans les écrits de Nietzsche ne plaisaient pas à l’artiste canadien. Ici, Brooker souligne les lacunes d’un penseur envers lequel il est néanmoins lourdement endetté.