Rassemblement de sons 1928
Rassemblement de sons est souvent considérée comme l’œuvre la mieux réussie de Brooker en raison de la manière complexe et majestueuse avec laquelle il amène le spectateur dans un monde mystérieux. Brooker réalise cette œuvre au début d’une période extraordinairement productive de sa carrière artistique, de 1927 à 1931, lorsqu’il peint une série de toiles abstraites exceptionnelles, et inédites au sein des œuvres des artistes canadiens. Il est possible que Brooker ait été motivé, en partie, à entreprendre cette série de tableaux par ses contacts au sein de l’Arts and Letters Club de Toronto, particulièrement Lawren Harris (1885-1970). Ces grandes toiles marquent la deuxième incursion de l’artiste dans le monde de l’abstraction.
La composition donne au spectateur l’impression d’un mouvement et d’une énergie pénétrante accentué par l’exactitude géométrique des lignes qui s’infiltrent dans les quatre formes circulaires formant l’arrière-plan. Lorsque l’on regarde cette œuvre peinte de façon précise et méticuleuse, il est évident que la confiance de Brooker en tant que peintre avait augmenté rapidement depuis la période où il avait réalisé Oozles, v.1922-1924. Il y a en outre des similitudes marquées entre Rassemblement de sons et les œuvres du futuriste, Giacomo Balla (1871-1958), bien que l’Italien était intéressé à capter des mouvements soudains et dynamiques, comme on peut le constater dans Mercure passant devant le soleil, 1914.
Tel que le démontre Rassemblement de sons, Brooker essaie également de trouver une corrélation entre la forme musicale et la forme visuelle. Dans cette œuvre, les différents sons contrastants ont atteint un accord, même si leurs caractéristiques individuelles sont préservées.
Dans un essai intitulé « Painting Verbs », Brooker explique comment une toile comme Rassemblement de sons a vu le jour :
Sans gêne, j’ai utilisé une règle et un compas, j’ai essayé de créer sur la toile une sorte de réplique de la couleur, du volume et du rythme que je ressens lorsque j’écoute de la musique… La plupart des formes étaient des zones flottantes de couleurs, c’était des verbes représentant l’action et le mouvement, et lorsque dans certains cas, ils sont presque reconnus en tant qu’objets, tels que des sphères, des tiges ou des sommets, leur seule vocation était d’être un serment ou un apogée ou le point culminant d’un mouvement et non sa conclusion.
Il est possible que le mot « rassemblement » ait une connotation spirituelle : la convergence des différentes couleurs pourrait ressembler à une congrégation qui se réunit pour prier. C’est ainsi que l’on peut affirmer que cette peinture est d’inspiration spirituelle ainsi que musicale.