Oozles v.1922-1924
Brooker a réalisé plusieurs tableaux à la tempera intitulés Oozles; celui-ci est l’un des plus anciens qui portent ce nom et qui ont survécu. Il y a un écart d’à peu près une décennie entre Ultrahomo, v.1912-1913, et Oozles. Brooker s’est probablement tourné vers l’art abstrait à la suite de la profonde expérience mystique qu’il avait vécue à Dwight en Ontario, en 1923. L’abstraction est devenue la meilleure manière pour lui de représenter sa transformation spirituelle. Cette image démontre la fascination de l’artiste pour les formes géométriques colorées. Comparativement à ses œuvres subséquentes, les premiers abstraits de Brooker, de petites dimensions (entre autres, Noise of a Fish (Bruit d’un poisson), v.1922-1924), sont quelque peu grossiers et ont une allure précipitée, inachevée. Il semble qu’au moment où il crée ces œuvres, il est en train d’apprendre à peindre en autodidacte.
Avec son recours à des lignes horizontales et verticales solides et tranchantes et à des couleurs vives et contrastantes, Oozles semble être de style vorticiste. Ce groupe britannique qui n’a duré que quelques années utilisait des zigzags violents et des couleurs brillantes pour élaborer un modernisme pictural en révolte contre les traditions passéistes. Brooker a probablement vu des reproductions d’œuvres vorticistes dans des livres et des périodiques.
Selon le Oxford English Dictionary, « oozle » signifie couler, goutte à goutte, ou se déplacer lentement. Le titre de Brooker est ironique, car tous les éléments dans le tableau semblent se déplacer à une vitesse folle. Bruit d’un poisson est également un titre fantaisiste : selon Victor, le fils de Brooker, l’œuvre a été inspirée par le motif créé le soir, dans le corridor, par la lumière qui donne contre le coin de la porte d’une chambre à coucher. Les œuvres abstraites de Brooker mettent également l’accent sur ce qu’il appelle la « dimensionnalité », ce qui fait référence à une tentative de sa part d’établir un nouveau concept pour représenter l’espace. Ainsi, les premières œuvres abstraites à la tempera marquent une période distincte dans sa carrière en tant qu’artiste visuel (une période qui durera de 1922 à 1924), qui sera caractérisée par ses premières tentatives d’accéder à la quatrième dimension : « une nouvelle et mystérieuse illusion de l’espace qui se situe au-delà de l’expérience visuelle normale », un cadre à l’intérieur duquel ses objectifs en tant qu’ultimatiste pourraient être atteints.
Selon Ann Davis les petits temperas de 1922 à 1924 peuvent être considérés comme des « pièces préparatoires » pour de plus grandes toiles, telles que Sounds Assembling (Rassemblement de sons), 1928. Oozles est l’oeuvre d’un apprenti et un signe précurseur des œuvres que Brooker réalisera cinq ou six ans plus tard. Oozles et Bruit d’un poisson sont les premières tentatives de Brooker en art abstrait. Il utilise probablement des techniques vorticistes, croyant que cette forme d’abstraction lui permettra de créer l’espace illusionniste qu’il recherche. Quatre ou cinq ans plus tard, il tentera à nouveau d’avoir accès à ce monde, mais sans faire référence directement aux œuvres d’un autre mouvement contemporain.