Formes symphoniques 1947
Formes symphoniques fait partie d’un troisième et dernier groupe de tableaux abstraits peints par Brooker et il s’agit du meilleur dans ce petit corpus d’œuvres. Formes symphoniques ressemble à une sculpture, et ce, de façon beaucoup plus marquée que les premières expériences de Brooker avec la tempera (comme Oozles, v.1922-1924) et les grandes œuvres abstraites colorées de 1927 à 1931 (comme Rassemblement de sons, 1928). Les couleurs sont douces et les formes sont disposées avec précision. Il y a un vif conflit visuel entre la sphère, qui ressemble à une balle (et son ombre), et les deux formes organiques tout près desquelles elle flotte. Cette interaction se joue devant ce qui ressemble à un décor de scène élaboré. Il y a également, au centre de l’arrière-plan, un fort mouvement vertical vers le bas. À la différence de ses compositions abstraites précédentes, celle-ci est beaucoup plus détendue et paisible.
Les tableaux abstraits de Brooker de 1927-1931 sont délibérément conflictuels et complexes dans la juxtaposition de formes; cette toile a une allure beaucoup plus douce, plus contenue, un effet accentué par les couleurs froides. La composition peut être vue comme étant « symphonique » dans le sens qu’elle semble être divisée en différentes parties, ou différents mouvements. L’inspiration musicale était probablement paisible. Formes symphoniques est l’une des dernières tentatives de Brooker dans le domaine de l’abstraction pure. Si elle est une œuvre plus tardive, Progression, 1948, est néanmoins composée de diverses couches d’éléments horizontaux, et il s’agit manifestement d’un paysage construit à partir de formes abstraites.
Formes symphoniques doit beaucoup au style art déco simplifié qui avait été populaire au cours des années 1930. En général, les artistes canadiens ne réagissaient pas aux qualités abstraites que l’on pouvait extraire de l’art déco, quoinque Lawren Harris (1885-1970) avait peint Poise [Composition 4] (Élégance [composition 4]), 1936, l’unique œuvre abstraite de sa production s’appropriant de tels éléments de design similaires. En tant que mouvement, l’art déco mettant de l’avant l’idée d’un nouvel ordre mondial empreint d’optimisme. Brooker a peut-être employé le vocabulaire art déco dans cette œuvre pour suggérer quelque chose de semblable au sujet de la symphonie visuelle qu’il avait créée.