Composition : Regarder de la porno à la télévision 2005

Composition : Regarder de la porno à la télévision est une scène d’intérieur riche en détails, composée au feutre à pointe fine. L’œuvre représente un couple qui s’embrasse dans son lit. Sous les couvertures, il regarde un film pornographique. L’intérieur de la maison est constellé de traces du quotidien des individus. Les vêtements sont éparpillés sur le sol, un ensemble de poids est oublié dans un coin et des photos sont accrochées au mur. Des bouteilles de maquillage jonchent une commode. La télévision, au centre du dessin, exhibe une image sexuellement explicite qui surprend le spectateur dans ce décor encombré d’objets par ailleurs anodins. Composition : Regarder de la porno à la télévision évoque une corrélation directe entre la vie au Nord et au Sud, où de nombreux foyers sont éclairés par des écrans de télévision, jusqu’au petit matin. Comme le couple du dessin est allongé tranquillement dans son lit, la composition n’est pas explicite. Cependant, le dessin invite le spectateur à entrer dans la réalité de cette pratique moderne courante qu’est la consommation de médias érotiques. 

Les dessins érotiques d’Annie Pootoogook, comme beaucoup de ses compositions tirées de la vie de tous les jours, sont tantôt tendres, tantôt humoristiques. Dans les contextes d’exposition du Sud, ces scènes à caractère sexuel détonnent avec ce que l’on attend de l’art inuit. Bien que la sexualité soit présente dans les récits traditionnels des Inuits, l’histoire de leur dessin offre peu de représentations figuratives de la luxure, du désir ou de l’intimité. De même, ces sujets sont peu exploités dans les sculptures du Nord – une exception notable est l’œuvre de la sculptrice Oviloo Tunnillie (1949-2014).

Composition : Regarder de la porno à la télévision est comparable au dessin précédent d’Annie, Erotic Scene – 4 Figures (Scène érotique – 4 figures), 2001, une image beaucoup plus graphique de l’activité sexuelle. L’intérieur de la pièce est encore une fois très détaillé. L’arrière-plan révèle un téléviseur, une chaîne stéréo, une lampe, une plante et une fenêtre dont le rideau est laissé ouvert. Les quatre personnes, disposées au centre de la composition, sont au milieu d’une expérience sexuelle collective sur un tapis posé au sol. Annie représente cette scène avec détachement et le même réalisme brutal qui marque ses autres dessins.

Les compositions érotiques d’Annie, comme ses autres œuvres, ne sont ni sentimentales ni romantiques. Elles s’inscrivent dans une sorte de réalisme narratif qui les montre sous un jour aussi banal que celui de ses représentations d’un repas partagé. Comme beaucoup de ses œuvres qui ont eu du succès sur le marché du Sud, ce corpus de dessins, dont Composition : Regarder de la porno à la télévision et Woman at Her Mirror [Playboy Pose] (Femme devant son miroir [Pose Playboy]), 2003, a été acheté par un groupe de collectionneurs d’art inuit et contemporain. Les compositions érotiques d’Annie demeurent une rareté, car aujourd’hui encore, ce type d’imagerie est exceptionnel dans l’art inuit.