Nancy Campbell est commissaire en art contemporain et auteure; elle écrit sur l’art inuit et contemporain depuis les vingt dernières années. En carrière, elle a occupé des postes au Musée des beaux-arts de l’Ontario, à l’Université de Guelph, à la Collection McMichael d’art canadien et à la Power Plant Contemporary Art Gallery.
Mot de Nancy Campbell
Écrire la monographie d’une artiste impose à l’auteure le fardeau de l’interprétation et de la compréhension. J’ai connu Annie Pootoogook et cela est une part essentielle de l’histoire racontée ici. Les projets de commissariat que des collègues et moi-même avons entrepris, et que je présente dans cet ouvrage, ont contribué au savoir, à l’interprétation et à la réception de l’art inuit au Canada, ainsi qu’à l’histoire d’Annie.
C’est avec une prudence mêlée d’inquiétude que je me suis plongée dans les complexités de l’art autochtone et de la place qu’y occupe Annie — toujours consciente de ma position de colonisatrice du Sud. Sa biographie comporte des épisodes de mouvance et sa carrière d’artiste dans le Nord a été entrecoupée par une série de transformations professionnelles et culturelles brutales. Son ascension dans le monde de l’art, à la suite de son exposition de 2006 à la Power Plant Contemporary Art Gallery, dont j’étais la commissaire, l’a amenée à négocier avec des normes de consommation de l’art qui lui étaient étrangères et qui ont été exigeantes.
L’une des joies et l’un des défis du commissariat d’exposition tient dans la capacité à faire des associations qui provoquent une nouvelle compréhension de l’œuvre présentée. L’expérience m’a montré qu’une exposition peut réorienter les idées préconçues sur un artiste ou un autre. Mon étude de l’art des Inuits canadiens m’a non seulement amenée à considérer dans un nouveau contexte le travail d’artistes inuits vivants mais aussi une part de l’art contemporain du Sud. Mon intérêt pour l’œuvre d’Annie Pootoogook a germé au début des années 2000 (j’ai visité Kinngait pour la première fois au début de 2004). J’y ai vu quelque chose de spécial, d’unique et d’extrêmement intéressant. J’ai développé ma propre méthodologie commissariale : intuitive, visuelle et discursive, qui aboutit à une reconsidération provocatrice de l’art inuit actuel. Ce livre s’inspire de mon travail académique et de ma thèse de doctorat, Cracking the Glass Ceiling: Contemporary Inuit Drawing, qui comporte des études détaillées de l’œuvre de Shuvinai Ashoona et d’Annie Pootoogook. Avec ce livre et ma bourse, j’espère parvenir à une reconsidération du discours de l’art inuit sur l’époque qui l’a vu naître.