Souvenirs d’enfance 1968
Kurelek a peint d’innombrables scènes de son enfance et de son jeune âge adulte en Alberta et au Manitoba. Ses tableaux de souvenirs demeurent probablement son corpus le mieux connu et le plus populaire. Souvenirs d’enfance est unique néanmoins, à cause de son auto-réflexivité. Dans cet autoportrait peu conventionnel, Kurelek ne fait pas simplement offrir une scène nostalgique au spectateur, mais se peint dans l’acte de construction d’un souvenir. L’artiste se dépeint ainsi qu’il apparaissait dans sa jeunesse, allongé sur un lit dans ce qui était probablement la maison dans laquelle il a vécu à Winnipeg alors qu’il fréquentait l’école secondaire et l’université dans cette ville.
L’image centrale est la représentation d’un tableau sur le mur de la chambre à coucher. Cette image d’enfants jouant sur un tas de foin recouvert de neige contient autant de légèreté que de cruauté et rappelle les motifs que Kurelek avait commencé à perfectionner dans des œuvres du début des années 1950, par exemple Farm Children’s Games in Western Canada (Jeux d’enfants de la ferme dans l’Ouest canadien), 1952. L’image centrale habite un espace autonome, tant littéralement que du point de vue métaphorique. Elle « luit comme un écran de cinéma » et devient une émanation de la mémoire. Elle se démarque de la scène intérieure environnante qui ne fait pas partie du tableau central, mais de son cadre élargi.
Durant les années 1940, la période représentée dans l’image centrale, l’appreciation de Kurelek pour la culture de ses parents allait en augmentant, comme le soulignent les paroles de la chanson populaire ukrainienne There Stands a High Mountain (Là se dresse une haute montagne), écrite par le poète lyrique romantique du dix-neuvième siècle, Leonid Hlibov, rapidement griffonnées sur une table à l’avant-plan droit de l’œuvre. Les paroles et la musique, que l’on imagine Kurelek écouter sur son tourne-disque, évoquent le ton doux-amer du tableau : « Le printemprs reviendra / Et c’est cela qui cause la tristesse et la douleur / Car la jeunesse ne reviendra jamais / Non, jamais elle ne reviendra ».