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Portrait de l’artiste en jeune homme 1950

William Kurelek, Portrait de l’artiste en jeune homme, 1950

William Kurelek, Portrait of the Artist as a Young Man (Portrait de l’artiste en jeune homme), 1950

Huile sur plywood, 65,5 x 59,6 cm

Collection particulière

Portrait de l’artiste en jeune homme est la première œuvre de la période mûre de Kurelek, créée tout de suite après son départ soudain de l’Ontario College of Art. Elle marque sa décision d’exercer son talent artistique de manière professionnelle et révèle le fort sentiment d’identification qu’il ressent dans cette période de sa vie envers Stephen Dedalus, le protagoniste principal du roman de James Joyce du même titre et daté de 1916. Plus tard, Kurelek explique qu’à l’origine, il avait titré son autoportrait The Romantic (Le romantique), « car je me suis représenté comme un rêveur : l’artiste joycien prêt à éclore en beauté, mais pas tout à fait là ».

 

Art Canada Institute, William Kurelek,
Arrêt sur image tiré du film The Picture of Dorian Gray, réalisé par Albert Lewin, 1945

Foisonnant de symbolisme, avec plusieurs couches d’interprétation, cet autoportrait est un tableau à l’intérieur d’un tableau. Il montre l’artiste devant un canevas imposant qui dépeint un « temple imaginaire » orné de murales représentant « différents incidents de [sa] vie » à Stonewall et Winnipeg. Parmi ces murales, on retrouve une vignette de l’artiste à l’Université du Manitoba, habillé d’une veste en velours cotelé brun, « la moins chère que j’ai pu acheter », avec une main recouvrant son visage pour soulager la douleur aux yeux dont il souffrait.

 

Le tableau est composé de scènes fantastiques, cauchemardesques, dont un Samson ou un surhomme herculéen monstrueux brandissant un os, ou alors un homme émergeant d’un œuf qui rappelle l’Enfant géopolitique observant la naissance de l’homme nouveau, 1943, de Salvador Dalí (1904-1989), un tableau allégorique traitant du début de l’ère nucléaire. À l’avant-plan droit, derrière un pain, un exemplaire du Hamlet de Shakespeare est mis bien en évidence. Cette pièce de théâtre avait été revendiquée et célébrée par les écrivains et artistes du vingtième siècle à cause de son adhésion absolue à l’idée d’un univers dépourvu de sens inhérent.

 

Kurelek peint ce tableau durant « quatre jours consécutifs  ». Il travaille de façon maniaque, un état d’âme amplifié par les médicaments métaboliques qu’il prend depuis l’université pour traiter une hypothyroïdie. Il vit alors à Edmonton, où il travaille dans la construction afin de ramasser de l’argent pour un séjour au Mexique.

 

Kurelek a déclaré que ce tableau reflète l’influence qu’ont eue sur lui des peintres tels que Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779), Hans Holbein (1497-1543), les Préraphaélites et les muralistes mexicains avec lesquels il s’était familiarisé lorsqu’il fréquentait l’Ontario College of Art de Toronto; il s’est ensuite replongé dans leurs œuvres grâce à des livres de référence qu’il a trouvés à la Bibliothèque centrale d’Edmonton. Son autoportrait a également une certaine affinité avec les œuvres de son proche ami à l’Université du Manitoba, l’étudiant en arts visuels Zenon Pohorecky (1928-1998).

 

La conservatrice Mary Jo Hughes a émis l’hypothèse que, sur le plan de la composition, cet autoportrait est redevable au tableau Picture of Dorian Gray (Portrait de Dorian Gray), 1943-1944, d’Ivan Albright (1897-1983), qui figure dans l’adaptation hollywoodienne de 1945 du roman d’Oscar Wilde. Si Kurelek n’a jamais mentionné ce film, son intérêt pour le cinéma populaire, pour la littérature victorienne et pour la pratique de l’autoportrait suggère qu’il devait certainement le connaître, le contraire étant difficile à croire.

 

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