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L’enfant au pain 1892-1899

Ozias Leduc, L’enfant au pain, 1892-1899

Ozias Leduc, L’enfant au pain, 1892-1899
Huile sur toile, 50,7 x 55,7 cm
Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa

Comment faire entendre la musique d’une œuvre, comment faire voir son rythme, rendre sensible son mouvement et ses accents? Ces questions trouvent une réponse dans la scène de genre L’enfant au pain, tableau lentement élaboré, d’abord conçu dans un dessin de grand format et terminé sept ans plus tard en 1899. La position courbée du garçon et son geste à la fois détendu et absorbé suggèrent une mélodie sereine, un air qui invite au calme et au rêve. Un mouvement adagio ou lento s’esquisse, propre à laisser vagabonder son imagination.

 

Ozias Leduc, Étude pour « L’enfant au pain », 1892, fusain sur mine de plomb sur papier vergé chamois, 47,7 x 54,3 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

 

La reprise de formes courbes encastrées – le bol, le chapeau, le corps de l’enfant – crée un enchaînement qui invite le regard à circuler dans l’image. Ce mouvement circulaire est soutenu et structuré par les angles du mobilier. La matière picturale se cristallise et donne un relief au reste de pain de la même façon que le dessin souligne chaque détail des échancrures de la chemise au coude et à l’épaule. Les tons de beige et de brun du mobilier de bois unifient l’ensemble et sont réchauffés par le rouge et le rose du vêtement. Le contour dessiné de la main et du visage harmonise d’une autre manière cette sobre composition.

 

La tension entre jeunesse et passage du temps (traces d’usure, repas entamé) est le principal leitmotiv de ce tableau. L’équilibre des œuvres de Leduc repose souvent sur un mouvement de tension. Comme celui-ci l’écrit, en 1943, à son ami et ancien élève Paul-Émile Borduas (1905-1960) : « Ce n’est peut-être pas la mission de l’art de prêcher une morale. Toutefois, fatalement, l’Art enseigne, renseigne. Il est un confesseur d’âmes. Il a aussi, sans doute comme autre attribut d’ordonner en un cosmos, le chaos de l’inconscient. D’un désordre, d’une souffrance, d’un déséquilibre, il conduit à une stabilité, à une harmonie, à une joie! »

 

Ainsi, sur la mélodie d’ensemble, plus arrondie, des détails, sortes de pizzicati – comme la texture du bout de pain ou du bol et les déchirures de la chemise – suggèrent un autre rythme, une concentration d’éléments qui captent la vue et enrichissent le parcours. À l’instar de l’attitude de ce garçon, Leduc rappelle que concentration, contemplation et imagination sont les dispositions utiles pour pénétrer une œuvre afin qu’elle puisse pleinement se faire entendre : en saisissant ses lignes d’ensemble tout en prêtant une attention aux détails.

 

Avant d’entrer dans la collection du Musée des beaux-arts du Canada, l’œuvre appartenait aux amis de Leduc, M. et Mme Édouard Clerk, de Saint-Hilaire. Celle-ci, Fernande Choquette (1890-1969), était la fille du docteur Ernest Choquette. Elle visitait régulièrement l’atelier et était familière de l’artiste sur lequel elle a écrit de très belles pages. Leduc a d’ailleurs réalisé son portrait en bas-relief pour lui offrir lors de son mariage en 1917.

 

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