Cerises mûres 2000
Cerises mûres révèle toute la maîtrise de Pratt dans la traduction de la lumière en peinture, avec le fruit translucide niché dans un bol transparent, mis en valeur sur un fond sombre qui pousse le motif central vers l’avant-plan de l’image. Cette œuvre et les séries qui s’y rapportent ne sont pas des peintures, mais des gravures.
Les estampes n’occupent pas une place centrale dans l’œuvre de Mary Pratt, sauf pour l’exception notable de la suite de dix gravures sur bois réalisées par le maître graveur Masato Arikushi (né en 1947), entre 1995 et 2002. La série Transformations est à la fois unique dans la carrière de Mary Pratt et un exemple de création collaborative qui la place dans un rapport différent avec l’œuvre achevée. Arikushi travaille à partir de peintures originales, les transformant en de complexes gravures sur bois, qui nécessitent souvent jusqu’à cent impressions, « chaque impression étant soigneusement enregistrée, encrée et frottée à la main ».
Le procédé traditionnel japonais de l’ukiyo-e, avec sa translucidité et sa transparence, permet à Pratt de surmonter son appréhension. En 2002, elle déclare à Robin Laurence que ses expériences antérieures en matière de lithographie et de sérigraphie ont été insatisfaisantes. Son expérience avec Arikushi intervient comme une leçon d’humilité : « Pas du tout comme mon expérience avec des lithographes « artistiques » qui étaient si impressionnés par leur propre travail qu’ils essayaient de me dire comment faire le mien. »
Pendant la majeure partie du processus de travail, Mary vit à St. John’s alors qu’Arikushi est à Vancouver. Les œuvres originales de Pratt sont fournies à Arikushi par le marchand vancouvérois de Pratt, Andy Sylvester de la Equinox Gallery, et les épreuves sont ensuite renvoyées à Pratt pour qu’elle puisse laisser des commentaires et des notes chromatiques au crayon.
Pour Pratt, qui s’inspire directement de photographies, et souvent de clichés qu’elle ne prend pas elle-même, le processus de réalisation de ces gravures est intimidant, et elle a des doutes : « On pourrait peut-être argumenter que je pourrais tout simplement lui envoyer quelques-unes des photographies à partir desquelles je travaille et que les choses suivraient leurs cours à partir de là. » Il est certain que cette collaboration ne se limite pas à cela, ce dont Pratt prend également conscience: « Je déconstruis cependant l’image après l’avoir isolée. Je fais aussi des dessins pour lui, bien sûr, et je corrige les couleurs, etc. Je suppose qu’il a besoin de moi — mais pas beaucoup. »
À la fin, Pratt décrit chacune des œuvres comme une « gravure à deux cents pour cent » : « Je fais mon cent pour cent, tout comme Masato. »