Tout au long de sa carrière, Mary Hiester Reid s’est imposée comme une artiste accomplie et une intellectuelle ayant reçu une formation très poussée. Si elle a d’abord commencé ses études dans des écoles d’art américaines, ses nombreux voyages et projets d’études en Europe l’ont exposée à d’autres mouvements et techniques artistiques qui ont également influencé son style. Hiester Reid s’inspire d’ailleurs de diverses stratégies stylistiques : sa pratique est imprégnée des principes du réalisme, du mouvement esthétique, de l’impressionnisme français et du tonalisme. Son œuvre a été encensée par la critique et lui a valu un succès commercial, mais ce sont ses natures mortes florales qui font d’elle une artiste de renom.

 

 

Une artiste de son temps

Bien qu’au cours de sa vie, Hiester Reid soit principalement considérée par les critiques d’art, les journalistes, les collectionneurs et le public comme la peintre de fleurs canadienne la plus en vue, elle a su prouver qu’elle était capable de suivre la cadence des principes et des pratiques artistiques majeures de son temps. Ses études avancées et ses nombreux voyages en Amérique du Nord et en Europe constituent les principaux atouts qui lui ont permis de s’approprier ces stratégies artistiques et tendances.

 

Mary Hiester Reid, Night in the Village [England] (Nuit au village [Angleterre]), s.d.
Mary Hiester Reid, Night in the Village [England] (Nuit au village [Angleterre]), s.d., huile sur toile, 30 x 45,7 cm, Museum London.

Elle a commencé ses études de façon sérieuse à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, où elle a suivi des cours avec le portraitiste Thomas Pollock Anshutz (1851-1912) et le peintre réaliste Thomas Eakins (1844-1916). Ses premières toiles, notamment Daisies (Marguerites), 1888, et Chrysanthemums (Chrysanthèmes), 1891, mettent en valeur la formation académique reçue en Amérique du Nord et illustrent tout particulièrement l’attention qu’elle prête au grand réalisme. Cette charactéristique de son travail témoigne de l’influence de ses études avec Eakins à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts de 1883 à 1885.

 

Après le mariage de Mary Hiester avec l’artiste George Agnew Reid (1860-1947) à Philadelphie en mai 1885, le couple passe quatre mois en lune de miel à Londres, Paris, en Italie et en Espagne. À leur retour en Amérique du Nord à l’automne, ils s’installent dans un atelier à Toronto où ils produisent des tableaux et donnent des cours d’art. En 1888, ils vendent suffisamment d’œuvres aux enchères pour se permettre un deuxième voyage en Grande-Bretagne et en France. À Paris, Hiester Reid s’inscrit à l’Académie Colarossi, où elle suit « des cours de dessin d’après le modèle nu ou vêtu » avec Joseph Blanc (1846-1904), Pascal Dagnan-Bouveret (1852-1929), Gustave Courtois (1853-1923) et Jean-André Rixens (1846-1925). Elle retourne y étudier en 1896, lors d’un voyage à Gibraltar et en Espagne avec son mari.

 

Des peintures telles que Chrysanthemums in a Qing Blue and White Vase (Chrysanthèmes dans un vase Qing bleu et blanc), 1892, témoignent du premier contact de Hiester Reid avec les idées du mouvement esthétique auquel elle a été initiée pendant ses voyages en Europe. Inspirés par le critique d’art John Ruskin (1819-1900), des partisans de l’esthétisme, notamment James Abbott McNeill Whistler (1834-1903), ont défendu le concept de « l’art pour l’art », appelant à la recherche de la beauté et de l’expression personnelle dans tous les aspects de la vie, du design intérieur à la mode et la peinture. Le dévouement de Hiester Reid dans sa quête de beauté se révèle plus tard, et avec le plus de conviction, dans A Fireside (Le coin du feu), 1912, une peinture représentant un intérieur regorgeant d’objets, de fleurs et de gravures encadrées, le tout savamment disposé.

 

A Harmony in Grey and Yellow (Une harmonie en gris et jaune), 1897, et A Study in Greys (Une étude en gris), v.1913, attirent l’attention des spectateurs sur l’habileté de l’artiste à manipuler et à mélanger les couleurs ainsi qu’à faire référence aux tableaux tonalistes de Whistler. Le tonalisme est devenu populaire aux États-Unis vers 1880 et a été repris par des artistes du monde entier. Ce style se caractérise par l’utilisation d’une palette limitée de couleurs sobres, principalement sombres, pour accentuer l’unité et l’harmonie des œuvres. Whistler a mis en valeur l’harmonie visuelle de la peinture tonaliste en employant des termes musicaux dans les titres de ses œuvres pour attirer l’attention sur le lien entre l’utilisation de la couleur par un artiste et l’utilisation des notes par un musicien. La peintre britannique Gwen John (1876-1939), qui a étudié avec Whistler de 1898 à 1899 à l’Académie Carmen à Paris, en France, de même que l’artiste australienne Clarice Beckett (1887-1935) sont d’autres tonalistes bien connues.

 

Mary Hiester Reid, A Garden in September (Un jardin en septembre), v.1894
Mary Hiester Reid, A Garden in September (Un jardin en septembre), v.1894, huile sur toile, 76,2 x 63,5 cm, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto.
Mary Hiester Reid, A Poppy Garden (Un jardin de coquelicots), s.d.
Mary Hiester Reid, A Poppy Garden (Un jardin de coquelicots), s.d., huile sur toile, 58,1 x 43 cm, collection d’œuvres d’art du gouvernement de l’Ontario, Toronto.

 

L’adhésion de Hiester Reid aux principes impressionnistes est la conséquence directe de ses études et voyages en France. Des peintures de jardins comme Hollyhocks (Roses trémières), 1914, sont la preuve de sa facilité à peindre en plein air, une approche du motif préconisée par des artistes tels que Claude Monet (1840-1926), Berthe Morisot (1841-1895) et la peintre américaine Mary Cassatt (1844-1926). Une autre composition de Hiester Reid, A Poppy Garden (Un jardin de coquelicots), s.d., illustre non seulement son utilisation de petites touches fractionnées, mais aussi l’attention qu’elle porte aux effets fugaces de la lumière et de l’atmosphère, et la façon dont ils influencent la couleur des fleurs et des ombres dans la peinture, des techniques par ailleurs consacrées par les impressionnistes.

 

 

Grand réalisme

Thomas Eakins, Portrait of Dr. Samuel D. Gross [The Gross Clinic] (Portrait du Dr Samuel D. Gross [La clinique de Gross]), 1875
Thomas Eakins, Portrait of Dr. Samuel D. Gross [The Gross Clinic] (Portrait du Dr Samuel D. Gross [La clinique de Gross]), 1875, huile sur toile, 243,8 x 198,1 cm, Philadelphia Museum of Art.

Les natures mortes de Hiester Reid suscitent l’admiration et les éloges, notamment pour leur grand réalisme. Elle a appris les rudiments de ce courant en étudiant à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts et en suivant des cours avec Thomas Pollock Anshutz et Thomas Eakins. Le grand réalisme, un mouvement artistique des années 1850, se caractérise par des représentations peintes d’une extrême précision. L’adhésion de Hiester Reid à ce style particulier révèle l’influence de ses études avec Eakins à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts. Ce dernier a élaboré dans son œuvre ce qu’on a fini par appeler le « réalisme scientifique ». Sa toile The Gross Clinic (La clinique de Gross), 1875, dépeint une clinique de chirurgie dirigée par le médecin Samuel David Gross, de Philadelphie. La précision avec laquelle Eakins représente la nature viscérale de l’enseignement médical en cours dans La clinique de Gross a provoqué un mouvement de recul chez les critiques, qui ont qualifié son œuvre de « trop horrible ».

 

L’intensité avec laquelle Hiester Reid adhère au réalisme dans ses natures mortes est évidente, et ce, même dans ses peintures de fleurs tardives, telles que Study in Rose and Green (Étude en rose et vert), avant 1917, et Past and Present, Still Life (Passé et présent, nature morte), 1918. Des critiques, comme Hector Charlesworth (1872-1945) dans son compte rendu de l’exposition commémorative de Hiester Reid de 1922 publié dans le magazine Saturday Night de Toronto, ont encensé l’artiste pour ses œuvres s’inscrivant dans le courant du réalisme et pour ses natures mortes florales :

 

C’était […] un de ses grands dons de pouvoir rendre permanente et inaltérable la beauté périssable des fleurs et des fruits, grâce à son génie dans l’interprétation de formes et de services délicats. Une fois, il y a de nombreuses années, je l’ai rencontrée devant un étal de fruits en train de choisir des pêches avec un soin qui inquiétait le vendeur. « Je ne les veux pas pour les manger, expliquait-elle, je ne sais pas pourquoi, j’ai succombé à l’envie de peindre la texture veloutée de la pêche. » Et je me suis souvenu de ce brin de conversation oublié l’autre jour quand j’ai vu deux ou trois natures mortes dans lesquelles elle avait parfaitement réalisé ce désir.

 

George Agnew Reid, le mari de Hiester Reid, adhère également aux principes du grand réalisme, bien que ses objectifs stylistiques le conduisent à envisager des projets à une échelle beaucoup plus ambitieuse. Par exemple, pour son œuvre monumentale Mortgaging the Homestead (Une hypothèque sur la ferme), 1890, George construit la mise en scène d’une « salle de ferme » dans son atelier et y fait poser des modèles pour pouvoir travailler à partir de la réalité et peindre la scène la plus authentique possible. Muriel Miller, biographe de Reid, écrit : « En raison de ses lourds murs de briques, son atelier ressemblait à l’intérieur d’une vieille grange de pierre. Son apparence rustique a frappé son imagination, et avec sa femme, ils ont tous deux profité du potentiel de ce lieu leur servant de toile de fond pour des images recréant la vie des pionniers au Canada. » Comme les deux artistes ont vendu leurs tableaux de façon constante tout au long de leur carrière, il est manifeste que leur formation et leurs efforts subséquents pour adhérer aux principes du grand réalisme leur ont bien servi.

 

Mary Hiester Reid, Study in Rose and Green (Étude en rose et vert), avant 1917
Mary Hiester Reid, Study in Rose and Green (Étude en rose et vert), avant 1917, huile sur toile, 62,9 x 76,6 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

 

 

Le mouvement esthétique

Au cours de ses voyages en Europe, Hiester Reid visite de nombreuses galeries d’art et musées, comme le Museum of Fine Arts de Madrid (aujourd’hui le Museo Nacional del Prado), étudiant différentes tendances stylistiques, et en particulier celles du mouvement esthétique qui s’est développé en Grande-Bretagne dans les années 1870 et 1880. Ses principaux partisans, notamment les artistes James Abbott McNeill Whistler, Edward Burne-Jones (1833-1898) et le poète et dramaturge Oscar Wilde (1854-1900), défendent le concept de « l’art pour l’art », aspirant à un « culte de la beauté » qui soit libéré des contraintes de la morale victorienne. Ils imaginent leur idéal imprégnant toutes les facettes de la vie quotidienne, de la peinture au mobilier et des arts décoratifs à la mode.

 

Dante Gabriel Rossetti, Monna Rosa, 1867
Dante Gabriel Rossetti, Monna Rosa, 1867, huile sur toile, 57 x 40,7 cm, collection privée.
Vase with Auspicious Animals (Vase aux animaux de bon augure), dynastie Qing (1644-1911), période Kangxi (1662-1722)
Vase with Auspicious Animals (Vase aux animaux de bon augure), dynastie Qing (1644-1911), période Kangxi (1662-1722), porcelaine à pâte molle peinte en bleu de cobalt (porcelaine de Jingdezhen), hauteur de 33 cm, Metropolitan Museum of Art, New York.

L’esthétisme n’est pas seulement un style artistique, c’est aussi un mode de vie. Whistler collectionne des objets qu’il trouve beaux et les dispose dans sa résidence privée et pour en exhiber la valeur stylistique et culturelle. L’agencement des pièces de collection, comme les porcelaines bleues et blanches réalisées en Chine ou au Japon, les peintures contemporaines d’autres esthètes — Monna Rosa, 1867, de Dante Gabriel Rossetti (1828-1882), par exemple —, et les meubles et fleurs dans la maison, reflète parfaitement ce mode de vie. Connu sous le nom de japonisme, l’attrait des arts japonais et chinois, comme la gravure sur bois et la porcelaine, s’insinue dans les œuvres d’art de nombreux partisans de l’esthétisme. Dans le cas de Hiester Reid, des peintures comme Chrysanthèmes dans un vase Qing bleu et blanc, 1892, et Chrysanthemums: A Japanese Arrangement (Chrysanthèmes : un arrangement japonais), v.1895, témoignent de son engagement envers le mouvement esthétique et ses conceptions de la collection et de la peinture.

 

Hiester Reid représente même l’intérieur de sa maison de Wychwood Park décoré à la mode esthétique dans Le coin du feu, 1912. L’œuvre figure un espace aux couleurs chaleureuses, éclairé par le feu, et défini par des objets savamment disposés, telles des gravures et des peintures encadrées et suspendues au mur adjacent à la cheminée, et des fleurs ayant une ressemblance frappante avec des orchidées japonaises. En 1908, les Reid déménagent au 81 Wychwood Park, une maison qu’ils appelaient Upland Cottage. Conçue par George Reid, la résidence témoigne de l’intérêt du mouvement esthétique pour l’éclectisme architectural — elle présente un agencement horizontal bas et long, et des groupements de fenêtres à battants en plomb qui se fondent dans la verdure et le feuillage environnants.

 

Hiester Reid peint également des œuvres dans le style tonaliste, auquel est associé Whistler, et dont les principes sont étroitement liés à ceux du mouvement esthétique. Ce style se distingue par l’usage de couleurs sobres, principalement sombres, qui accentuent l’unité picturale de l’œuvre; et entre 1880 et 1915, il gagne en popularité en Amérique du Nord. Travailler en harmonie tonale demande une grande habileté en ce sens que l’artiste doit définir les formes à l’aide de variations de couleurs légères mais signifiantes. Ce style reflète donc la maîtrise profonde des techniques et méthodes nécessaires au mélange des peintures et à la définition subtile des formes. Les œuvres At Twilight, Wychwood Park (Au crépuscule, Wychwood Park), 1911, et en particulier Une harmonie en gris et jaune, 1897, exemplifient l’exploration soutenue de l’art tonaliste par Hiester Reid.

 

Mary Hiester Reid, Past and Present, Still Life (Passé et présent, nature morte), 1918
Mary Hiester Reid, Past and Present, Still Life (Passé et présent, nature morte), 1918, huile sur toile, 55,9 x 91,4 cm, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto.

 

Hiester Reid embrasse l’esthétisme sa carrière durant, si bien qu’on peut en voir l’influence dans ses œuvres tardives. Des toiles telles que Passé et présent, nature morte, 1918, montrent qu’elle a continué à développer et à tester sa technique. Ici, elle utilise des nuances si sombres que des taches de noir contrastent de façon frappante avec les fleurs séchées, l’éclat bleu-gris de l’assiette et les roses fanées dans le coin inférieur droit. Elle réalise également un grand nombre d’œuvres en utilisant des craies de couleur, comme dans Flower Garden (Jardin de fleurs), v.1898. Cette technique lui permet de travailler en plein air et de noter rapidement ses impressions du jardin en se tenant debout en son cœur ou en se déplaçant tout autour.

 

L’utilisation de craies de couleur lui permet de travailler jusqu’à tard dans sa vie. En 1919, Hiester Reid subit une crise cardiaque et, bien qu’elle y survive, elle souffre désormais de fréquentes et graves crises d’angine de poitrine et ne peut plus rester assise pendant plusieurs heures de suite pour peindre. À partir du printemps 1921, il lui arrive souvent d’être clouée au lit pendant des semaines. Malgré sa détérioration physique, elle continue à faire de l’art, comme en témoigne entre autres Cactus Dahlias (Dahlias cactus), v.1919. Le sujet et les pastels suggèrent une exécution rapide. Elle trace des lignes colorées pour souligner le caractère piquant des fleurs; les ombres qui tombent sur le bol et sur le dessus de la table ont possiblement été fondues avec ses doigts.

 

Mary Hiester Reid, Cactus Dahlias (Dahlias cactus), v.1919
Mary Hiester Reid, Cactus Dahlias (Dahlias cactus), v.1919, craies de couleur sur papier vélin gris, 38,3 x 55,8 cm, collection de Barry Appleton.
Mary Hiester Reid, Adirondacks, 1891-1917
Mary Hiester Reid, Adirondacks, 1891-1917, pastel sur papier, 15 x 25 cm, Peel Art Gallery Museum and Archives, Brampton.

 

 

Exploration de l’impressionnisme

Au fur et à mesure que la carrière de Hiester Reid progresse, son exploration de différents styles artistiques évolue elle aussi également. C’est souvent par le voyage en Europe que des artistes établis au Canada comme William Brymner (1855-1925), Maurice Cullen (1866-1934), James Wilson Morrice (1865-1924) et Helen McNicoll (1879-1915) apprennent l’art et les techniques impressionnistes, en particulier en France, comme Hiester Reid. Ces artistes visitent également des expositions, comme celle de la galerie montréalaise de W. Scott and Sons en 1892. En France, des impressionnistes comme Claude Monet, Berthe Morisot et Mary Cassatt cherchent à représenter en peinture les effets sensoriels et éphémères d’une scène — l’impression saisie par l’œil en un instant — et ils peignent donc en plein air. Parmi leurs autres stratégies picturales, on compte le travail relâché du pinceau pour rendre les effets fugaces de la lumière du soleil et des ombres.

 

Mary Hiester Reid, Moonrise (Lever de lune), 1898
Mary Hiester Reid, Moonrise (Lever de lune), 1898, huile sur toile de jute, 50,8 x 40,6 cm, collection d’œuvres d’art de la Ville de Toronto.
Claude Monet, Impression, soleil levant, 1872
Claude Monet, Impression, soleil levant, 1872, huile sur toile, 48 x 63 cm, Musée Marmottan Monet, Paris. 

 

La toile Moonrise (Lever de lune), 1898, est loin des natures mortes florales très réalistes de Hiester Reid et reflète entièrement l’influence impressionniste française sur son art. Dans Lever de lune, les silhouettes des arbres et de l’herbe au tout premier plan encadrent l’orbe orange situé légèrement à gauche du centre de l’image. En simplifiant les différentes formes à l’aide de petites touches fractionnées et de grandes taches de couleur, Hiester Reid les compare pour mettre en valeur les effets du clair de lune. Les affinités techniques, stylistiques et structurales que partage cette œuvre avec Impression, soleil levant, 1872, de Claude Monet montrent comment Hiester Reid a su pousser ses capacités techniques avec aisance et habileté, créant une œuvre diversifiée et sophistiquée. Son tableau Afternoon Sunlight (Soleil d’après-midi), 1903, met en évidence son exploration des effets de la lumière solaire et de la production d’ombres au premier plan, lesquelles contrastent avec les bâtiments éclairés par le soleil au-delà du mur de pierre.

 

Mary Hiester Reid, Afternoon Sunlight (Soleil d’après-midi), 1903
Mary Hiester Reid, Afternoon Sunlight (Soleil d’après-midi), 1903, huile sur toile, 41,3 x 51,4 cm, collection d’œuvres d’art du gouvernement de l’Ontario, Toronto.

 

Bien que Hiester Reid applique des stratégies impressionnistes dans son travail, en bout de ligne, le résultat demeure le sien. Comme l’écrit Carol Lowrey : « Au Canada, la tradition impressionniste n’était pas tant un mouvement en soi qu’un groupe de peintres divers répondant à cette esthétique chacun à sa façon […] Les résultats formels variaient d’un artiste à l’autre et, dans de nombreux cas, ils étaient tempérés par l’engagement de l’artiste envers les idéaux académiques, de même que par son sujet. »

 

 

Peinture à l’huile

Hiester Reid a fait de nombreux choix notables pour pouvoir s’imposer en tant que professionnelle et voir son art reconnu comme tel. En travaillant principalement à l’huile, elle se taille une place au sein d’une pratique artistique consacrée qui fait l’objet d’éloges commerciaux et critiques. La plupart de ses œuvres sont réalisées à l’huile sur des toiles de petite et de moyenne dimension. Elle a cependant créé des œuvres d’envergure, à grande échelle, notamment trois murales, dont l’une est intitulée Castles In Spain (Châteaux en Espagne), v.1896. Hiester Reid explore également différents médias, utilisant le pastel dans certains de ses travaux préparatoires, comme Adirondack, créé entre 1891 et 1917. Pour Hiester Reid, il s’agit là d’incursions mineures hors de sa pratique principale à l’huile.

 

Mary Hiester Reid, Afterglow, Wychwood Park (Dernières lueurs, Wychwood Park), s.d.
Mary Hiester Reid, Afterglow, Wychwood Park (Dernières lueurs, Wychwood Park), s.d., huile sur toile, 61 x 45,7 cm, collection privée.

 

La peinture à l’huile a une longue histoire qui remonte au douzième siècle. Au cours des siècles suivants, des artistes tels que les peintres néerlandais Jan van Eyck (1390-1441) et Rachel Ruysch (1664-1750), l’artiste italienne Artemisia Gentileschi (1593-v.1652) et l’Américaine Georgia O’Keeffe (1887-1986) travaillent tous avec de l’huile. Les peintures à l’huile sont fabriquées par la suspension des pigments en poudre dans de l’huile de lin ou, dans certains cas, de noix. Le médium visqueux qui en résulte prend beaucoup de temps à sécher, comparativement à l’aquarelle, faite de pigments en suspension dans de l’eau généralement appliqués sur du papier spécial absorbant de sorte qu’il sèche relativement rapidement. Par conséquent, les artistes peuvent apporter des modifications à leur travail pendant le processus créatif. Une fois l’œuvre terminée, ils peuvent ensuite lisser sa surface, éliminant ainsi la main de l’artiste (ou l’évidence de traces de coups de pinceau) pour que tout signe d’interaction ou de production humaine disparaisse. Lorsque ces peintures sont placées sous les lumières d’une maison ou d’une galerie, l’huile réfléchit la lumière : ces images semblent parfois briller, ce qui les rend encore plus réalistes.

 

Hiester Reid fait probablement le choix de la peinture à l’huile pour sa haute valeur commerciale. Une grande partie de ses voyages en Europe est financée par la vente de ses peintures à l’huile. Ce matériau noble signale également à un acheteur potentiel que l’artiste a suivi une formation académique professionnelle. En revanche, l’aquarelle est souvent utilisée par ceux qui pratiquent l’art de façon informelle. Comme l’explique Pamela Gerrish Nunn, « l’aquarelle [était] le médium par excellence de l’amateur que l’esprit conventionnel pensait être plus propre et plus facile à manipuler que l’huile. L’aquarelle suppose généralement un travail à petite échelle, constituant ainsi un défi accessible, correspondant à la modestie et à la dextérité rattachées aux activités féminines. » Par son travail presque exclusif à l’huile, Hiester Reid fait preuve d’une gestion consciencieuse tant de sa pratique que de sa carrière. Elle a créé des œuvres qui ont su séduire et impressionner les collectionneurs privés et les institutions.

 

Mary Hiester Reid, Roses, s.d.
Mary Hiester Reid, Roses, s.d., huile sur toile, 39 x 49,7 cm, collection d’œuvres d’art du gouvernement de l’Ontario, Toronto.

 

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