Chrysanthèmes : un arrangement japonais v.1895
Dans cette œuvre, Hiester Reid représente des fleurs dans un vase en porcelaine de Nankin bleu et blanc disposé au premier plan de l’image, comme dans son tableau précédent Chrysanthemums (Chrysanthèmes), 1891. Le sujet, la composition et le titre de l’œuvre attestent du statut d’Hiester Reid en tant qu’ « artiste de son temps », car ils témoignent de sa conscience de l’enthousiasme pour les peintures de belles fleurs, de l’influence du mouvement esthétique et de son intérêt pour le japonisme, un terme popularisé dans les années 1870 par Philippe Burty (1830-1890), critique et collectionneur français.
Hiester Reid commence à présenter ses peintures florales dans les expositions de l’Académie royale des arts du Canada (ARC) et de la Ontario Society of Artists (OSA) au milieu des années 1880. Au dix-huitième siècle, les académies d’art européennes catégorisent la peinture de fleurs comme un sous-ensemble du genre de la nature morte, soit le plus humble de la hiérarchie académique des genres picturaux. Par contre, les œuvres florales étaient extrêmement populaires en république des Provinces-Unies des Pays-Bas au cours du dix-septième siècle, les Hollandais étant devenus à cette époque les plus grands producteurs et exportateurs de fleurs en Europe. Rachel Ruysch (1664-1750), qui peignait dans ce genre, vivait et travaillait à Amsterdam, vendant ses œuvres à une clientèle essentiellement marchande. Elle est par la suite devenue une peintre de fleurs de renommée internationale, travaillant de 1708 à 1716 comme peintre de cour pour le Prince Johann Wilhelm à Düsseldorf, en Allemagne. Au cours des décennies suivantes cependant, les œuvres botaniques ont été principalement utilisées comme outils d’enseignement pour illustrer et compléter les études scientifiques qui documentent les stades de croissance d’une plante. Ce n’est qu’entre le début et le milieu du dix-neuvième siècle que le critique d’art britannique John Ruskin (1819-1900) demande aux artistes de combiner les « idéaux artistiques élevés » à l’« exactitude botanique ».
Du milieu à la fin du dix-neuvième siècle, les artistes du mouvement esthétique ont défendu le concept de « l’art pour l’art », soutenant que la recherche fondamentale de la beauté peut être transposée dans diverses formes d’expression de soi, de la peinture à la mode en passant par la décoration intérieure. Les partisans occidentaux de l’esthétisme, notamment l’Américain James Abbott McNeill Whistler (1834-1903), ont montré que leur quête de la beauté tenait dans la collection d’objets d’art japonais — gravures sur bois et céramiques — disposés dans leurs maisons, puis dans la reproduction de ces mêmes objets dans leurs œuvres. Comme l’explique l’historienne de l’art Ayako Ono, « l’influence de l’art japonais est un phénomène appelé japonisme qui s’est répandu largement dans l’art occidental. Il est assez difficile de donner une définition claire du japonisme en raison de l’ampleur du phénomène, mais on s’accorde généralement pour dire que c’est une tentative de comprendre et d’adapter les qualités essentielles de l’art japonais. »
Hiester Reid ne s’est pas contentée d’incorporer des objets japonais dans son travail, comme dans ce tableau et dans A Fireside (Le coin du feu), 1912 : son interprétation unique des tendances stylistiques du mouvement esthétique est évidente dans les aplats de couleurs et les larges coups de pinceau plutôt exubérants, certains se réunissant en des sections de couleurs fondues qui définissent les pétales de chrysanthèmes. Cette manière de peindre diffère grandement du délicat et minutieux travail au pinceau employé par l’artiste pour définir les pétales de chrysanthème dans son œuvre de 1891.