Les Plantes s. d.
Selon la classification hiérarchique commune au dix-septième siècle, Louis Nicolas traite d’abord des humains, puis des plantes, des animaux, et des oiseaux, pour finalement terminer avec les poissons. Cette page bien remplie qui ouvre la section sur les plantes comporte huit figures. La légende de la figure 3, par exemple, déclare qu’il s’agit de l’ « herbe a trois couleurs », celle de la figure 6 de l’ « ail sauvage », et celle de la figure 7 de la « Cotonaria qui porte du miel du coton du chanvre une belle fleur et des asperges ». La figure 2 porte sur la « Ounonnata qui jette des racines comme les trufes ». Le mot iroquois « Ounonnata » désigne le rhizome de la Sagittaria latifolia, la Sagittaire à larges feuilles, connu aux États-Unis sous le nom de wapato ou patate indienne. Son dessin d’ailleurs met l’accent sur ses racines comestibles.
Les botanistes ont trouvé la « Lymphata » de la figure 5 difficile à identifier à cause de la manière dont elle est représentée dans le Codex. Un expert a cru qu’il pouvait s’agir du gingembre sauvage, mais d’autres, en se rapportant à la description de la plante dans l’Histoire naturelle, ont avancé qu’il s’agissait plutôt du lys d’eau. Le nom que lui donne Nicolas peut nous mettre sur la piste. Lymphatus, signifie aqueux, renvoyant probablement à l’habitat de la plante, ce qui ne serait pas étonnant chez des naturalistes du dix-septième siècle.
Louis Nicolas était certainement intéressé par la flore du Canada. Sur quatre pages du Codex, 18 plantes sont représentées. Mais dans son Histoire naturelle des Indes occidentales, il en décrit presque 200 – plus que n’importe qui d’autre de son temps en Nouvelle-France. Nicolas semble bien avoir observé toutes les plantes qu’il a représentées au Codex, contrairement au botaniste Jacques-Philippe Cornut, par exemple, qui, n’ayant pas visité l’Amérique, s’en est remis à d’autres botanistes et voyageurs dans son Canadensium plantarum aliarumque nondum editarum historia, 1635.
Il se peut que Louis Nicolas ait dessiné sur place quelques-uns des spécimens représentés au Codex, mais il est certain qu’il a complété son travail après son retour en France en 1675. Alors que ses dessins des peuples autochtones ou de la faune canadienne s’inspirent souvent de gravures, ses représentations de plantes semblent plus originales. Il a pu d’ailleurs étudier dans les jardins de Paris ou de Montpellier des variétés qui poussaient au Canada, comme le thuya au jardin des Tuileries. On peut expliquer le fait que certaines plantes sont moins bien représentées par la distance prise par Nicolas avec ses sources.
Nicolas vivait avant Carl von Linné (1707-1778), le fameux naturaliste suédois qui est à l’origine de la taxonomie moderne. Aussi n’a-t-il pas représenté ses plantes en insistant sur leurs organes sexuels – pistil et étamine – comme Linné l’aurait fait? Louis Nicolas met plutôt l’accent sur l’utilité des plantes pour l’homme – leur caractère comestible ou leur usage pharmaceutique. Il met en valeur tantôt les racines, tantôt les fruits ou les fleurs. Il classe ses plantes selon leur taille : les herbes d’abord, les fruits ensuite, les arbres enfin.