La pesche des Sauvages s. d.
La pesche des Sauvages montre des Sioux du Dakota de l’Est dans un canot, pêchant dans les eaux ondulantes du sud-ouest du lac Supérieur. Dans les quelques images qu’il a consacrées à des scènes de la vie des premiers peuples, Nicolas s’en est remis presqu’exclusivement à ses propres observations et, sauf quelques rares exceptions, à son propre talent de dessinateur. Les représentations plus libres de ces peuples dans leur cadre de vie habituel, ou en voyage, ou prenant soin de leurs morts, etc., ont une spontanéité sinon une naïveté qui les rend attachantes mais elles sont surtout riches en informations sur les cultures des peuples autochtones de la fin du dix-septième siècle.
En utilisant le terme « sauvages », Nicolas ne faisait que s’en remettre à l’usage de son temps, qui dérivait d’une conception hiérarchique de l’humanité. Au sommet de la pyramide, on trouvait le roi et les nobles; plus bas, les gens du commun; et plus bas encore, les « sauvages », dépourvus, selon cette conception, de toute culture, religion, ou langage intelligible, et de la moindre forme de gouvernement, ou de mœurs dont on puisse parler.
Mais revenons à notre image. Les hommes ont des filets et autres instruments. Nicolas a dessiné des harpons, un filet et un gant au bas de son illustration. Il semble déterminé à noter autant de détails que possible dans ses illustrations. Celle-ci est dessinée à l’aide d’une plume d’oie trempée dans une encre brune, comme toutes les autres, mais a cette particularité d’être rehaussée d’aquarelle rouge et ocre.
Dans la légende de son illustration, Louis Nicolas indique qu’il décrit cette pêche ailleurs, faisant probablement allusion à un passage de l’Histoire naturelle des Indes occidentales. Dans ce passage, il parle, en effet, des Sioux et autres groupes autochtones allant à la pêche lors de leur visite à la mission du Saint-Esprit :
[…] ces argonautes poussent avec violence leur canot pour les [rapides] surmonter : jusques a ce qu’ils soient arrivés a des endroits : ou ils sçavent qu’il y a tant de ces gros poissons Blancs que tout le fonds de leau en est comme pavé : ou plus tot entassé l’un sur l’autre en telle quantité qu’ils n’ont qu’a laisser couler en bas leur seconde perche [la première étant celle qui les fixe dans les rapides] au bout de laquelle il y a un filet en forme de cone ou de capuchon d’où a chaque fois qu’ils le relevent ce qui se fait fort prestement, ils amenent 5 ou 6 gros poissons Blancs. Je donne la figure du filet dans mes figures.
Ailleurs, où il est question du « petit et grand poisson blanc », il parle de l’attikamek. On trouve un attikamek en bas à droite de notre illustration. On identifie le grand poisson blanc au grand corégone, et Nicolas affirme qu’il ne se pêche « guers que dans nos grands lacs, et jamais dans l’eau salée». On ne trouve nulle part ailleurs une description et une illustration aussi vivantes des usages des Autochtones de l’époque. Pour cette raison à elle seule, les dessins de Louis Nicolas sont uniques et forment une contribution substantielle au premier art colonial de la Nouvelle-France.