Les peintures d’Alex Colville sont distinctives et facilement reconnaissables, caractérisées par leur facture soigneuse et unifiée et leur composition méticuleusement construite. La gravure est un autre procédé phare de l’artiste, qui était séduit par ses limites inhérentes et la possibilité de créer des multiples. Colville a travaillé comme peintre figuratif tout au long de sa carrière, dans une approche où il s’appuie sur des idées plutôt que sur la représentation de ce qu’il voit. Bien qu’artiste figuratif, Colville ne cherche pas à refléter le monde qui l’entoure, mais s’intéresse plutôt à la création d’images qui expriment ses idées sur le monde dans lequel il vit.
Trouver sa voix
Alex Colville étudie à l’Université Mount Allison à Sackville, au Nouveau-Brunswick, et est influencé par son professeur Stanley Royle (1888-1961), un peintre postimpressionniste établi, originaire du Royaume-Uni. De plus, Colville voue un amour durable à la peinture de la première Renaissance. Une brève exposition à la peinture européenne historique, en particulier aux œuvres de Giotto (vers 1267-1337) et Paolo Uccello (1397-1475) au Louvre à Paris pendant la Seconde Guerre mondiale, donne à Colville des années d’inspiration. « Je me suis rendu compte que cela pourrait me prendre des années, par exemple, pour absorber les effets des deux journées que j’ai passées au Louvre », a déclaré Colville. Sa technique consistant à déposer de minuscules traits individuels de couleur pure pour construire une surface lumineuse et riche, malgré son manque de texture ou de profondeur du matériau, donne à sa facture une invisibilité qui rappelle celle des peintres de la première Renaissance.
Colville s’intéresse à des artistes aussi divers que les luministes et les précisionnistes américains, ou à des réalistes comme Thomas Eakins (1844-1916), Edward Hopper (1882-1967) et Ben Shahn (1898-1969), des artistes qui cherchent à imprégner les activités de tous les jours d’une profondeur symbolique, une stratégie qui a marqué le style de Colville tout au long de sa carrière.
Au début des années 1950, l’artiste britannique Henry Moore (1898-1986) exerce une influence certaine sur Colville, manifeste dans les formes sculpturales des séries de figures nues dans des paysages tels que Nudes on Shore (Nus sur rivage), 1950. Les poses, le cadre et le traitement des détails sont tous des éléments qui évoquent la sculpture et les dessins de Moore de cette période. Bien que Moore se soit illustré pendant la Seconde Guerre mondiale avec ses dessins dépeignant la vie dans les abris des années 1940-1941, c’est le peintre Miller Brittain (1914-1968) de Saint John, Nouveau-Brunswick (artiste de guerre lui aussi), qui incite Colville à étudier les œuvres du grand sculpteur britannique. Au début des années 1950, Colville commence à faire du travail qu’il considérait mature : « Après avoir terminé Nude and Dummy (Nu et mannequin), je me suis dit : “Là, je sens que j’ai mis le doigt sur quelque chose” — ce que les gens en littérature et en poésie décrivent comme le poète qui trouve sa voix. »
Idées et matériaux
À la fin des années 1940, Colville travaille principalement à l’aquarelle et à l’huile, les matériaux qu’il utilisait comme artiste de guerre. Des travaux tels que Railroad over Marsh (Chemin de fer au-dessus d’un marais), 1947, ressemblaient même à son art de guerre en terme de sujet, de composition et de technique. En 1950 cependant, il commence également à utiliser la tempera alors qu’il s’emploie à trouver un medium plus propice aux lignes simples, de style Hard edge, et aux couches méticuleuses de touches avec lesquelles il construit ses images. Il peint sa murale de 1948, The History of Mount Allison (L’histoire de Mount Allison), avec de la tempera à l’œuf sur une toile qui a ensuite été marouflée au mur. Il réalise également des peintures plus petites, comme Nus sur rivage, 1950, à la tempera à l’œuf.
Pendant les années 1950, il cherche à préciser son approche et change délibérément de sujet pour se concentrer sur la figure humaine, afin de communiquer plus efficacement ses idées. Comme il l’explique dans une conférence : « Alors je me suis rendu compte que je ne pouvais pas continuer à utiliser seulement les chevaux comme forme organique, et que la peinture à l’huile était tout à fait inadaptée à ma méthode de travail. J’ai donc décidé que je peindrais la figure humaine et que j’utiliserais la tempera. »
Colville se décrit comme un artiste « conceptuel », il ne compte plus sur ce qu’il voit autour de lui, mais construit des images en s’inspirant à la fois d’éléments trouvés et d’éléments inventés. Comme il l’écrit en 1951, « l’artiste conceptuel fonctionne de façon plus indépendante face à l’expérience banale; pour l’artiste conceptuel, percevoir ou voir est un processus qui lui sert à confirmer ou à modifier ce qu’il a déjà déterminé. » Ici, Colville utilise le terme « conceptuel » différemment de la façon dont on l’utilise normalement à l’époque en histoire et théorie de l’art, dénotant non pas l’idée courante dans les années 1960 d’un mouvement artistique dédié à la « dématérialisation de l’objet artistique », mais plutôt une position très matérielle et philosophique selon laquelle la peinture est un moyen d’exprimer sa pensée. Il s’agit là d’une utilisation précise et appropriée du terme en ce qui concerne sa pratique.
Le style de peinture mature de Colville est basé sur une approche pointilliste qui consiste à appliquer des touches de couleurs l’une à côté de l’autre, chaque touche n’étant qu’un tout petit point de couleur. La somme des touches forme l’image et le ton, tandis que les couleurs ne sont pas mélangées dans les traits mêmes. Bien que Georges Seurat (1859-1891) et Paul Signac (1863-1935) soient les précurseurs de cette technique, Colville utilise un style de pointillisme beaucoup moins expressif qui n’attire pas l’attention sur les minuscules points de couleurs composant ses compositions. À cette fin, Colville travaille avec des pinceaux en poil de martre, mélangeant chaque couleur avec un liant pour créer une surface unie. L’ajout de glacis à la fin du processus assure une surface uniforme, presque lisse. En outre, les œuvres sont construites selon une structure géométrique sous-jacente compliquée et rigoureuse. Cette combinaison, manifeste pour la première fois au début des années 1950 dans des œuvres comme Nu et mannequin, 1950, Nus sur rivage, 1950, Two Pacers (Deux ambleurs), 1951, et Four Figures on a Wharf (Quatre personnages sur un quai), 1952, marque un changement de style duquel Colville n’a jamais dévié par la suite. Tout au long des années 1950 et au début des années 1960, le peintre alterne entre la tempera (tempera à la caséine ou à l’œuf) et l’huile. Au milieu des années 1960, les peintures acryliques atteignent une qualité et une consistance telles que Colville commence bientôt à les utiliser exclusivement, et continue jusqu’à sa mort.
Études : esquisses, photographies et aquarelles
Alex Colville a toujours dessiné, se servant de croquis à la fois comme outils de composition et comme aide-mémoire : il esquissait des scènes ou des idées qui pouvaient faire l’objet d’une référence dans une peinture qu’il envisageait. Pour Colville, peindre est un moyen de penser, et le croquis joue un rôle important dans l’organisation des pensées : « L’exploration de l’inconscient, c’est ce que je pense que je fais, essentiellement, ne peut s’entreprendre qu’à l’aide d’un filet à papillons, d’un outil quelconque — un objet qui peut attraper des choses.
Il utilise une caméra comme outil de composition, recueillant des images qu’il n’utilisera peut-être que quelques mois ou quelques années plus tard. Colville se sert des photographies pour représenter des éléments spécifiques, comme la figure féminine à cheval dans French Cross (Croix française), 1988, qu’il combine avec un autre élément (dans ce cas, la Croix de la Déportation à Grand Pré, en Nouvelle-Écosse) afin de compléter la composition. Colville distingue la différence entre une photographie et une peinture, notant qu’une photographie est « prise » alors qu’une peinture est « faite ». Le conservateur Philip Fry note à propos de la relation de Colville avec la photographie : « dans un contraste frappant avec l’image photographique, ce qui se passe dans Cyclist and Crow (Cycliste et corbeau), 1981, apparaît comme l’incarnation d’une image mentale par l’exercice de la compétence du peintre comme artiste, ce qu’on pourrait appeler une technologie « lente » et « centrée sur le corps ». Le geste peint est une construction de l’imagination; il n’a pas été pris ni extrait au temps ». Le point de Fry se vérifie pour chaque peinture de Colville — la caméra n’est qu’un autre outil. « En tant que bon réaliste, je dois réinventer le monde », a déclaré l’artiste.
Le médium de l’aquarelle est un autre outil important pour Colville, qui utilise principalement pour rendre les décisions de couleur dans ses croquis, par exemple Study for Sackville Railway Station Mural (Soldier and Girl) (Étude pour la murale de la gare de Sackville (Soldat et fille)), 1942. Bien que de sa jeunesse jusqu’aux années 1950 il se tourne fréquemment vers l’aquarelle, il cesse de l’employer dans les œuvres achevées après avoir découvert les émulsions de tempera et d’acrylique. La règle et la boussole font partie intégrante de ses fournitures d’art, au même titre que le crayon ou la brosse, et il remplissait des croquis de notes mathématiques et de calculs géométriques.
La géométrie comme structure
La passion de Colville pour l’ordre débute avec la géométrie sous-jacente de son image, un squelette rigide de relations géométriques qui dicte tous les aspects de ses compositions. « La géométrie semble faire partie du processus », explique-t-il. « Si j’étais poète, j’écrirais des sonnets. Je ne ferais pas ce qu’on appelle des “vers libres”. Je travaille à partir de formes qui existent ». Souvent fondée sur le nombre d’or, sa géométrie est une technique de construction. Comme le note le conservateur Philip Fry, Colville utilise la géométrie comme « système de réglementation » — un moyen d’imposer des relations cohérentes, prévisibles et ordonnées entre les objets à l’intérieur de ses compositions. Souvent empruntés à l’architecture, ces systèmes peuvent être relativement simples, comme dans le nombre d’or, ou plus complexes, comme dans le système Modulor de Le Corbusier (1887-1965), et les ratios dérivés de la séquence mathématique appelée suite de Fibonacci. Voir, par exemple, Study for St. Croix Rider (Étude pour Cavalier St. Croix), 1996.
Les croquis minutieux de Colville montrent comment, avant de commencer à peindre, l’image et la géométrie évoluent alors qu’il arrive à une composition qui communique les idées et les sentiments qu’il recherche. Comme l’explique l’historien de l’art Martin Kemp : « Le concept de l’image est déclenché par sa vision d’un moment lourd de sens dans la vie des choses. La forme de l’image qui correspond au sujet est ensuite modifiée par une structuration géométrique répétée à l’aide de superpositions complexes tirées du répertoire de cercles, de carrés, de triangles, de spirales logarithmiques et de ratios dessinés par Colville. La proportionnalité humaine, fondée sur un système de longueurs de tête adoré des architectes de la Renaissance et plus récemment du Corbusier, joue un rôle important dans ces peintures qui mettent en scène sa distribution de personnages sans mots. »
Par exemple, on retrouve dans la collection du Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse, vingt-et-une études pour la peinture Ocean Limited (Océan Limité), 1962, de Colville. Les croquis ont été principalement utilisés pour déterminer les fondements géométriques des principaux éléments de composition : comment s’alignent la tête de la figure qui marche et le train, l’emplacement relatif des éléments horizontaux du remblai de la voie ferrée et de la route, et les éléments verticaux des poteaux de téléphone et la figure qui marche au premier plan.
L’ordre en tant que correspondance mathématique est une idée ancienne, remontant à Pythagore et antérieurement dans notre histoire intellectuelle. Le physicien lauréat du prix Nobel Frank Wilczek résume la croyance persistante selon laquelle un bel ordre sous-tend le chaos apparent du monde dans une discussion sur l’aphorisme de Pythagore « Tout est le nombre » : « Car la vraie essence du credo de Pythagore n’est pas une affirmation littérale selon laquelle le monde doit incarner les nombres entiers, mais la conviction optimiste selon laquelle le monde devrait incarner de beaux concepts. »
En organisant sa composition à l’aide de « beaux concepts » pour établir un cadre sous-jacent ordonné, Colville ajoute un sens de solidité à ce qui apparaît d’abord comme une scène tirée de l’observation. La géométrie détermine la perspective, en veillant à ce que l’image, même si elle résulte de l’invention, semble naturelle à l’œil. Un sens de la proportion et de l’alignement presque subliminal communique l’ordre géométrique sous-jacent. En fin de compte, la géométrie de Colville est particulièrement importante non pas pour ses angles, ses arcs ou ses correspondances spécifiques, mais pour la rigueur fondamentale que le cadre géométrique équilibré donne à l’image elle-même. Lorsque l’on recherche l’ordre, il faut bannir le hasard.
Structure et routine
Colville a des habitudes bien ancrées, et sa routine infiltre tous les aspects de son art. Sa vie professionnelle est aussi structurée que ses peintures. Le critique Jeffrey Meyers note : « Son horaire est aussi régulier que celui d’Emmanuel Kant à Königsburg. Il se lève tôt, promène le chien et travaille de huit heures à midi. Après le dîner et la sieste, il récupère son courrier au bureau de poste local et fait quelques courses, répond à des lettres, fait des appels téléphoniques, et laisse l’après-midi s’écouler tout doucement. Après le souper à six heures, il lit ou regarde la télévision, se met au lit à neuf heures et s’endort peu après. » Alex Colville réfléchit longuement à tous les aspects de ses œuvres, y compris le cadre et le matériau sur lequel il peint. Parce qu’il utilise la tempera à l’œuf, la tempera à la caséine ou l’émulsion de polymère à l’acrylique — des matériaux qui deviennent cassants lorsque secs — Colville travaille sur des surfaces de masonite ou d’autres types de panneaux de bois. Il voulait quelque chose de rigide, non seulement pour travailler, mais qui le demeurerait une fois l’œuvre achevée.
Il se soucie également de la façon dont ses œuvres sont vues, et il construit et conçoit ses propres cadres. Chaque cadre en bois simple et élégant construit par Colville à partir de la fin des années 1950 est unique et reflète la passion de l’artiste pour l’ordre. Et pourtant, il est rare de trouver des images des peintures de Colville qui incluent les cadres. La plupart des monographies majeures portant sur l’artiste les omettent complètement. Le livre Alex Colville : peintures, estampes et procédés, 1983-1994, de Philip Fry, dans lequel toutes les peintures apparaissent dans les cadres conçus et construits par Colville, est une heureuse exception. On peut voir ses diverses approches : architectural et presque sévère, peint en noir, dans le cas de Kiss with Honda (Baiser et Honda), 1989, ou Bat (Chauve-souris), 1989; d’un ton moins assertif et plus léger, peint en gris délavé, pour Boat and Bather (Bateau et baigneuse), 1984, ou Western Star, 1985. Cette attention aux détails correspond tout à fait à la façon dont Colville approche la pratique artistique, selon laquelle la méticulosité est tout aussi nécessaire que le caractère réfléchi. Le procédé, la fabrication concrète des choses, est important pour Colville : «Toute personne qui pratique les arts visuels est un type d’artisan », affirme-t-il.
Un peintre cinématographique
Le cinéma — la forme artistique sans doute la plus influente du vingtième siècle — a un réel impact sur la façon dont Colville compose ses images. Il superpose plusieurs points de vue et cadres temporels dans ses images, de sorte qu’à première vue, la scène semble logique, mais au fur et à mesure qu’on l’examine de plus près, il devient évident que différents moments sont représentés simultanément, comme par exemple dans Horse and Train (Cheval et train), 1954. Ainsi, selon Tom Smart « le cheval existe sur un plan perceptif entièrement différent de celui du train; c’est comme si l’animal était collé sur le sol où se trouvent la voie ferrée et le train. » L’utilisation que fait Colville de perspectives légèrement différentes, comme si les images étaient enregistrées à quelques secondes d’intervalle, est manifeste dans West Brooklyn Road (Chemin West Brooklyn), 1996. Ici, le point de vue adopté est à bord d’une automobile qui circule à vive allure, mais l’axe varie légèrement à différents endroits dans la peinture — le camion qui approche est enregistré quelques secondes avant d’atteindre, ou avant que la voiture atteigne, le pont d’étagement, créant ainsi une variation d’échelle qui reflète un laps de temps là où est captée notre attention. Tout comme dans une peinture de la première Renaissance, Colville représente différents moments dans la même composition. Cependant, la brièveté de la durée des deux moments met plutôt en relief l’influence du cinéma sur l’artiste.
Le cinéma est omniprésent. Même la petite localité de Sackville, où Colville a vécu pendant de nombreuses années, a un cinéma où les films populaires sont vus en version originale. Ce qui n’est pas le cas pour la plupart des beaux-arts, pour lesquels Colville doit alors voyager — ce qu’il fait rarement. L’immédiateté du cinéma et sa capacité à raconter des histoires, de même que la façon dont une séquence d’images distinctes se tient pour former un ensemble cohérent, influencent l’approche de Colville face à la construction de ses propres images. À propos du cinéma, et dans le cadre d’une discussion au sujet de Cheval et train, 1954, Colville explique qu’il aspire au « genre d’immédiateté que les films ont ce qui permet l’authentification de la chose afin que ce ne soit pas simplement une sorte de train abstrait ou symbolique, mais une chose très spécifique, concrète ».
Cependant, Colville déclare qu’il a délibérément choisi de vivre à Sackville pour échapper à l’influence extérieure — il ne cherche pas à imiter quiconque, et entend plutôt développer son propre langage visuel et sa propre approche de la peinture. Colville n’a jamais travaillé dans un groupe et, malgré son inclusion au cours des décennies dans plusieurs expositions « réalistes », il n’a jamais pleinement adopté une école de peinture en particulier. La recherche de sens de Colville est une conversation avec l’histoire, avec le passé et le futur, jouée dans le présent éternel de chaque visionnement de son œuvre. Il veut être à la fois entièrement de son temps et intemporel.
Sérigraphies
À partir de 1955, en plus de la peinture, Colville s’intéresse à la sérigraphie. Habituellement, en tirages limités entre vingt et soixante-dix exemplaires, les sérigraphies de Colville doivent être considérées d’importance égale à ses peintures, et elles diffèrent d’ailleurs peu de ses tableaux dans le sujet et la composition. Colville réalise trente-cinq sérigraphies entre 1955 et 2002, et en 2013, il fait don d’un ensemble complet à l’Université Mount Allison, où il a fait ses premières études et enseigné par la suite. Ce don constitue le seul ensemble complet des sérigraphies de Colville à faire partie d’une collection publique ou privée.
Les sérigraphies sont réalisées en poussant de l’encre à travers un tissu à mailles très fines sur un substrat, les parties ne devant pas être de cette couleur particulière sont alors bloquées par un pochoir ou autre. Un écran différent est utilisé pour chaque couleur. Colville a réalisé toutes ses impressions lui-même et n’a jamais reproduit ses peintures avec cette technique. Au contraire, chaque sérigraphie est une composition unique. After Swimming (Après la baignade), 1955, est la première sérigraphie publiée de Colville. Cette image représente un thème auquel l’artiste est souvent retourné au cours de sa carrière — la relation entre un homme et une femme, et plus spécifiquement entre mari et femme, comme en témoigne le fait que l’artiste se prend lui-même comme modèle avec sa femme Rhoda.
Bien que ce soit un procédé compliqué et exigeant, la sérigraphie demande à Colville beaucoup moins de temps que la peinture, ce qui lui permet de travailler en multiples. L’immédiateté relative de la technique (les couleurs sont appliquées sur toute la surface et les images apparaissent tout de suite plutôt que d’être progressivement construites par des milliers de coups de pinceau), la nature implacable de faire des images en appliquant la couleur à travers un écran, et les limites inhérentes au procédé ont excité l’intérêt de Colville : « L’un des attraits de la sérigraphie est la discipline de la technique d’impression; en peinture, presque tout est possible — avec la sérigraphie, il y a la limitation du moyen; le concept doit être adapté à un mode d’expression plus économique ». Fait intéressant, Colville ne s’intéresse pas à d’autres formes d’arts d’impression, et il ne réalise pas non plus, après les années 1940, d’aquarelles ou de dessins comme œuvres achevées. Il s’est indéfectiblement concentré sur la peinture et la sérigraphie.