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Chemin West Brooklyn 1996

Alex Colville, Chemin West Brooklyn, 1996

Alex Colville, West Brooklyn Road (Chemin West Brooklyn), 1996
Émulsion de polymère à l’acrylique sur panneau dur, 40 x 56,5 cm
Collection privée

Colville a toujours recherché l’universel dans le particulier. Dans Chemin West Brooklyn, il s’est inspiré d’un élément de sa vie quotidienne pour composer une image d’une force et d’un impact symbolique saisissant. La scène se situe sur la route 101, en Nouvelle-Écosse, sur ce qui était alors le premier pont d’étagement entre Hantsport et Wolfville. Pendant des années, un homme ayant une déficience intellectuelle, Freddie Wilson, a salué de la main les conducteurs alors qu’ils amorçaient le long virage menant à la vallée d’Annapolis.

 

Dans Chemin West Brooklyn, cependant, l’homme qui agite la main n’est pas Wilson, mais l’artiste. Colville présente ainsi une image de lui-même comme simple observateur extérieur, qui regarde le défilé de la vie. Il s’agit là d’une image autodévalorisante, inhabituelle dans l’œuvre de Colville, mais qui laisse voir un fil conducteur important dans son travail — la connaissance de soi chez un homme sans cesse conscient de son éphémérité propre, et refusant de se prendre trop au sérieux.

 

Art Canada Institute, Alex Colville, 401 Towards London No. 1, 1968–69
Jack Chambers, 401 Towards London No. 1 (La 401 vers London nº 1), 1968-1969, huile sur bois, 183 x 244 cm, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto.

Le point de vue adopté dans ce tableau est fréquemment utilisé par Colville dans ses œuvres des années 1990 et suivantes — celle d’un automobiliste ou d’un passager. La scène est également fragmentée, la figure sur le pont d’étagement paraissant incroyablement grande par rapport au tracteur-remorque qui approche dans la voie de gauche. Colville reproduit le processus de conduite à vitesse élevée : en tant que spectateurs, nous remarquons d’abord le camion qui approche, nous ramenons ensuite les yeux sur la route, puis nous apercevons la figure sur le pont d’étagement. Au cours de ces quelques secondes, les distances auraient normalement changées, mais nos impressions demeurent les mêmes que lorsque nous avons remarqué le camion au début.

 

Chemin West Brooklyn rappelle une autre peinture emblématique canadienne, 401 Towards London No. 1 (La 401 vers London nº 1), 1968-1969, de Jack Chambers (1931-1978). Chambers place le spectateur sur un pont d’étagement, regardant l’autoroute pendant qu’un gros camion s’éloigne. La perspective fixe confère au tableau sa solidité. À l’inverse, Colville situe le point de vue à bord d’un véhicule en mouvement, ce qui provoque une sensation de glissement qui compromet toute impression de stabilité.

 

Colville ne dépeint pas le temps narratif ici. Au contraire, cette image fige un moment, un moment de compréhension et de reconnaissance. Chaque élément — le pont d’étagement, la figure, le camion, la baie et l’horizon, la route serpentant devant nos yeux — conflue en un point hors du temps normal, l’instant où notre cerveau rattrape nos yeux. La clarté survient dans notre esprit, non dans le monde.

 

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