Dans le comté de Cork, en Irlande 1892
Dans le comté de Cork, en Irlande, 1892, est une composition élaborée représentant une scène de village. Une route sinueuse est définie par des murets et des bâtiments ainsi que par des arbres, de l’herbe et de la végétation minutieusement étudiés. Une jeune femme (dont l’identité nous est inconnue) conduit ses oies le long de la route, comme si elle se dirigeait vers le spectateur. Cette œuvre est l’une des peintures les plus remarquées de William Brymner au début des années 1890. Bien qu’il assume un rôle permanent d’enseignant à la Art Association of Montreal (AAM), il nourrit tout de même de grands espoirs pour ses peintures.
L’artiste canadien visite l’Irlande durant l’été 1891, rencontrant des amis, notamment l’artiste James M. Barnsley (1861-1929), et faisant de multiples excursions dans la campagne. La date du tableau, 1892, indique qu’il est probablement tiré de dessins réalisés en Irlande et que Brymner l’a peut-être commencé là-bas, mais qu’il l’a achevé à Montréal. Au printemps de cette année-là, il soumet cette pièce à l’exposition de l’Académie royale des arts du Canada (ARC) et à celle de la AAM, où elle se classe en deuxième position lors d’un vote pour l’œuvre la plus populaire. En même temps, l’œuvre est saluée par la critique. Un reportage du Montreal Daily Star souligne que le tableau est « très admiré par les véritables critiques » et que certains d’entre eux notent qu’il s’agit « du meilleur [que Brymner] n’ait jamais produit. »
Le peintre soumet une deuxième œuvre d’importance à ces expositions, Champ-de-Mars, Winter (Le Champ-de-Mars en hiver), 1892, un tableau qui met également en valeur une lumière douce, bien qu’ici le sujet soit Montréal en hiver. En revanche, Dans le comté de Cork, en Irlande n’est pas seulement une démonstration des capacités de Brymner en matière de paysage, elle est aussi un rappel de son travail en Europe. Les collectionneurs d’art montréalais apprécient généralement l’art européen plutôt que les œuvres d’artistes canadiens. Une peinture dont le sujet est explicitement européen montre que non seulement l’artiste canadien est talentueux, mais qu’il est également un grand voyageur qui comprend les goûts des collectionneurs.
Le critique d’art du Montreal Witness est impressionné, déclarant qu’il s’agit là de « l’une des images les plus remarquées de l’exposition. C’est un bon style de paysage irlandais, qui embrasse la nature dans ses formes humaines et scéniques. Les critiques compétents affirment que le premier plan pourrait être mieux traité […] À tous les autres égards, le tableau est l’un des meilleurs de l’exposition. » Un autre critique, cette fois du Montreal Gazette, écrit « qu’en matière de progrès, M. Wm. Brymner occupe une place de premier plan. Son travail a toujours été minutieux et consciencieux, mais dans certains des tableaux irlandais qu’il expose cette année, il parvient à une qualité artistique et à une finition qui sont tout à fait nouvelles pour lui. » Le critique ne s’épanche pas sur la nature de cette « qualité », bien qu’il fasse plus loin l’éloge de la lumière dans le tableau. Toutefois, même sans plus de détails, cet article montre que l’éloge critique et le succès de Dans le comté de Cork, en Irlande contribuent à consolider la position de Brymner en tant que peintre canadien influent.