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Printemps 1902

Sophie Pemberton, Printemps, 1902

Sophie Pemberton, Spring (Printemps), 1902
Huile sur toile, 100,5 x 142,5 cm
Art Gallery of Greater Victoria

Dans ce tableau, une jeune femme est assise dans la lumière d’un soleil pommelé, auprès d’un bouquet de fleurs sauvages. Elle porte une jupe pratique et un chemisier bleu à manches longues sous un tablier blanc. Ses vêtements suggèrent qu’il s’agit d’une domestique, mais l’identité du modèle demeure inconnue.

 

Malgré un séjour dans un sanatorium californien au début de l’année 1901 à cause de sa santé précaire, Pemberton est productive pendant les deux années où elle demeure à Victoria, de 1900 à 1902. Au cours de l’été 1901, elle exécute une série de croquis représentant une jeune femme habillée de manière identique. Dans la première toile qu’elle réalise, John O’Dreams (John le rêveur), 1901, elle est assise dans l’herbe, un livre ouvert sur les genoux, dans l’ombre bigarrée de l’été. Un jeune garçon est allongé près d’elle, il écoute peut-être, mais son regard est lointain.

 

En 1902, Pemberton reprend son modèle dans quatre autres toiles. La femme est toujours contemplative, mais dans Autumn (Automne), elle apparaît à côté d’un panier à lattes de bois renversé et d’une pile de poires tombées. Dans Untitled (Sans titre), elle est assise dans un jardin anglais. Pemberton retravaille Automne cinq ans plus tard et l’intitule Penumbra (Pénombre), 1907, disposant la figure mélancolique entre lumière et ombre dans une scène qui évoque possiblement des bouleversements émotionnels.

 

Sophie Pemberton, Penumbra (Pénombre), 1907, huile sur toile, 94 x 134,5 cm, collection privée.
Marie Bashkirtseff, Printemps, 1884, huile sur toile, Musée russe, Saint-Pétersbourg. 

Printemps est la composition la plus puissante de la série et révèle que Pemberton maîtrise tant le portrait que le paysage, intégrant la figure dans un cadre extérieur, une technique qu’elle a utilisée dans Un retour de l’école (ou Little Boy Blue), 1897. Une revue contemporaine note que Printemps démontre « manifestement l’influence de l’école française sur le style de Mlle Pemberton. Les couleurs sont discrètes et les rapports entre l’ombre et la lumière sont rendus de manière très subtile ». Fascinée par les jeux de lumière, Pemberton travaille désormais dans un style impressionniste : l’arrière-plan est rendu par de grands coups de pinceau imprécis, bien que, dans le style canadien, la figure soit délimitée plus clairement.

 

En 1903, Pemberton envoie ce tableau dans une exposition à Newcastle, en Angleterre, puis en Colombie-Britannique en 1904, d’abord à Victoria lors de l’exposition agricole provinciale, avec trente autres de ses œuvres, et par la suite à une exposition individuelle au Blomfield Studio à Vancouver. Il traverse ensuite l’Atlantique avec elle jusqu’en Angleterre, où elle le conserve dans sa collection, l’exposant en évidence partout où elle vit. Après son retour au Canada en 1949, Printemps apparaît dans plusieurs rétrospectives jusqu’à la fin de sa vie et, plus tard, dans des expositions sur l’impressionnisme canadien.

 

Marie Bashkirtseff (1858-1884), une ancienne élève russe très en vue de l’Académie Julian, peint Printemps, 1884, une scène aux composantes similaires. La description qu’elle en fait dans son journal publié à titre posthume ressemble à celle du Printemps de Pemberton : « Une femme appuyée à un arbre, les yeux clos et souriant comme dans un beau rêve. Et tout autour un paysage délicat, des verts tendres, des roses pâles, des pommiers […] Je veux là du soleil et je le ferai à Nice dans un verger. » Des générations d’artistes en herbe ont lu le journal de Bashkirtseff, et Pemberton le connaissait certainement.

 

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