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Sarah, Lady Crease 1907

Sophie Pemberton, Sarah, Lady Crease, 1907

Sophie Pemberton, Sarah, Lady Crease, 1907
Huile sur toile, 92,8 x 73,4 cm
Musée royal de la Colombie-Britannique, Victoria

Dans ce portrait grandeur nature, Sarah Crease est une véritable matriarche. Elle porte un châle, des manchettes et une écharpe en dentelle fine pour égayer sa robe de soie noire, ainsi que les bagues, les bracelets et les broches en or dont elle a hérité et qui reflètent son statut. Pemberton connaît Lady Crease – elle dessine à l’occasion avec ses filles – et peut ainsi puiser dans son expérience personnelle en cours de travail. Elle peint le visage de Crease dans la pénombre, la tête légèrement penchée sur le côté, avec une expression à la fois engagée et détendue. Les tons de chair de ses joues rouges et de ses mains aux veines bleues évoquent la santé et la vigueur d’une femme de soixante-neuf ans dont la vie a été mouvementée.

 

Pendant les années passées en Angleterre et en France après 1889, Pemberton s’éloigne progressivement du réalisme académique qui caractérise ses premiers portraits. Ici, ses coups de pinceau sont visibles, comme pour ses paysages européens, mais elle prend tout de même soin de représenter clairement les traits du visage afin de transmettre la forte personnalité de son sujet.

 

Le lieutenant-gouverneur de la Colombie-Britannique Henri Joly de Lotbinière posant pour son portrait dans l’atelier du presbytère, 1906, photographie non attribuée.
Amélie Beaury-Saurel, Séverine (Portrait de Caroline Rémy, épouse Guebhard, 1855-1929, dite), journaliste socialiste, 1893, huile sur toile, 122,5 x 88 cm, Musée Carnavalet – Histoire de Paris.

Lady Crease, une veuve de Victoria très en vue sur le plan social, est une pionnière de la Colombie-Britannique, une artiste amateur de talent et une défenseure des arts et des droits de la femme. L’année précédente, elle avait commandé un portrait posthume de son mari, et elle souhaitait maintenant créer un duo assorti. Ces commandes, parmi d’autres, prouvent que Pemberton est considérée comme une artiste professionnelle par la clientèle renommée qui la sollicite, surtout après son admission à titre de membre associée à l’Académie royale des arts du Canada en 1906.

 

Le fait que Pemberton accepte plusieurs commandes après son mariage avec le chanoine Arthur Beanlands démontre qu’elle se considère toujours comme une artiste professionnelle et qu’elle priorise son travail, même en s’adaptant à son nouveau rôle d’épouse et de belle-mère. Cette commande de portrait est probablement la dernière que Pemberton ait reçu à Victoria. Au début de l’année suivante, elle souffre d’un grave problème de santé et une fois rétablie, elle se consacre à la préparation de paysages célébrant la diversité et la beauté de l’île de Vancouver en vue d’une exposition qu’elle planifie à Londres en 1909, à la prestigieuse Doré Gallery. Les tableaux qu’elle réalise après son mariage, dont ce portrait, portent son nouveau nom de famille, Beanlands. Alors que la clientèle de Victoria accepte un tel changement, ce nouveau patronyme complique son identité artistique et nuit à sa carrière lorsqu’elle s’installe pour de bon en Angleterre, en 1908.

 

Pour éviter une telle confusion, l’amie de Pemberton, Amélie Beaury-Saurel (1849-1924), une artiste accomplie et quelque peu controversée avant son mariage, décide, elle, de garder son nom après avoir épousé Rodolphe Julian, fondateur de l’école d’art parisienne éponyme. Dans son portrait de Séverine, Beaury-Saurel rend compte du regard abaissé et confiant d’une journaliste française, pionnière et féministe, arborant à la ceinture la fleur rouge symbolisant le socialisme.

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