Sedna en plongée 1994
En 1992, Oviloo Tunnillie déclare : « Le travail que je préfère porte sur les Taleelayu — des figures féminines. » Dans Sedna en plongée, le visage du personnage est caché, ce qui met en évidence le reste du corps d’une façon qui caractérise de nombreuses sculptures d’Oviloo. Une longue chevelure mouillée se divise autour de seins plantureux. Sa nageoire caudale de baleine est fléchie pour étaler une énorme forme en éventail maintenant en équilibre le bas du corps courbé. Les textures striées de la chevelure ressortent contre le détail nervuré de la queue. Il s’agit d’une pièce audacieuse de forme abstraite.
Oviloo a créé plusieurs de ces impressionnants nus féminins dont le bas du torse prend la forme de nageoire caudale de baleine ou de poisson. Cet esprit de la mer est appelé Taleelayu ou Nuliajuk par les Inuits, mais les non-Inuits emploient souvent le nom Sedna, comme d’ailleurs Oviloo à l’occasion. Taleelayu est un puissant esprit féminin dont on dit qu’il contrôle l’approvisionnement d’animaux marins aux chasseurs. Elle est une figure archétypale et apparaît souvent dans le travail d’autres artistes inuits, ainsi dans Takannaaluk, 1994, de Germaine Arnaktauyok (née en 1946). Takannaaluk est le nom de Sedna dans le secteur d’Igloolik, et Arnaktauyok représente de nombreux éléments de son histoire dans ce dessin détaillé à l’encre. Toutefois, Oviloo a précisé qu’elle ne s’intéressait pas à ces figures pour la mythologie qu’elles représentent. Il semble en fait qu’elle les voyait comme des sirènes plutôt que comme des êtres chamaniques.
Quand Sedna en plongée figure sur la couverture du catalogue de l’exposition Oviloo Tunnillie de la Marion Scott Gallery en 1994, cette œuvre suscite immédiatement l’intérêt et est acquise par le Musée des beaux-arts du Canada. Dans un entretien de 1994 avec la commissaire Christine Lalonde, Oviloo a dit qu’elle avait voulu que cette figure soit vue comme si elle venait de plonger, avec la tête sous l’eau. Elle a fait remarquer que c’était du marbre et qu’il était difficile de travailler avec ce matériau. Le fait qu’elle se soit servie de la saisissante pierre blanche provenant d’Andrew Gordon Bay, au sud de l’île de Baffin, indique tout l’intérêt qu’Oviloo portait à cette sculpture. Elle a dû se servir de ciseaux électriques et d’outils Dremel (électriques) pour créer les détails, plutôt que des foreuses à diamants, plus puissantes, qui permettent davantage de précision et qui sont devenues plus généralement disponibles, pour les sculpteurs de l’île de Baffin, dans les années 2000.
Oviloo a créé d’autres œuvres où figurent des créatures marines chamaniques, dont Seaman, Seawoman and Fish (Couple marin et poisson), v.1981, dans la collection du Musée des beaux-arts du Canada. Elle a mentionné cette sculpture dans une conversation de 1991 à propos des Taleelayu :
J’ai seulement entendu parler de sirènes ou d’êtres humains marins. Je ne peux pas affirmer qu’ils existent . . . puisque je n’en ai jamais vus moi-même. . . . Ce sont des êtres marins et les poissons aussi sont des êtres marins. Comme les uns et les autres sont des êtres marins, j’ai seulement inclus le poisson pour aller avec les sirènes. . . . Ces sirènes sont des habitants de la mer et il fut un temps où j’en faisais beaucoup. Je me disais : « Est-ce qu’ils ont un style de vie comme celui des Inuits! » C’est entièrement en me basant sur ma propre imagination que je l’ai faite. . . .