Illustration de couverture pour Hiroshima 1946
Comme il a été lui-même réfugié, Cahén est souvent invité à illustrer des récits de guerre. L’article du journaliste John Hersey sur la destruction d’Hiroshima par une bombe nucléaire le 6 août 1945 (d’abord paru dans The New Yorker), décrit dans des détails effroyables les souffrances des civils irradiés. Cahén dessine d’abord une femme horriblement blessée, peut-être dans le cadre de ses recherches. Mais il faut un traitement qui convienne au lectorat du journal. « Pas trop de sang, je vous en prie! », plaide le client. Du reste, les illustrations doivent stimuler la sympathie envers les victimes, ce qui n’est pas une mince tâche, puisque le Japon est encore considéré comme un ennemi qui a ce qu’il mérite. En outre, Cahén doit employer un style qui s’adaptera bien aux imprimés en aplats du magazine.
L’artiste opte donc pour des personnages aux proportions réalistes qu’il dessine de modestes traits noirs en évitant la caricature. La couverture montre des êtres vulnérables : un vieil homme qui a respectueusement enlevé son chapeau, des femmes et des enfants qui fouillent les décombres, taches minuscules au sein d’un paysage dévasté. La forme abstraite et menaçante des ruines tordues, au premier plan, atteste la force de l’explosion. C’est également une allusion aux estampes japonaises sur bois, dont les maîtres apprécient le procédé raffiné consistant à encadrer la scène de manière asymétrique pour rendre la composition formelle intéressante. Cahén reviendra à ce procédé dans des œuvres abstraites.
Hiroshima est une commande d’importance, qui comprend sept vignettes illustrant les survivants, les ruines et les efforts de reconstruction ainsi que quatre lettrines ornées. À la vue des œuvres qui en résultent, des agents littéraires lui écrivent des États-Unis pour lui dire que, de toutes les illustrations exécutées pour les huit cents publications de l’article dans le monde, ce sont les siennes qu’ils préfèrent.