En regardant vers l’est 1899
Dans l’œuvre En regardant vers l’est, Hiester Reid repousse les limites de sa pratique artistique, allant au-delà de la peinture florale pour produire un paysage où l’on voit un chemin de terre entouré de champs et d’arbres. De fait, elle élargit son champ de compétences, et développe ses études académiques du grand réalisme par l’utilisation de techniques développées par des artistes qui peignent en plein air. Ce qui ressort le plus dans cette œuvre est l’engagement lucide de l’artiste envers l’impressionnisme. Au départ, ce sont les artistes français du milieu à la fin du siècle qui ont galvanisé le style de peinture que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’impressionnisme. Des peintres tels que Claude Monet (1840-1926) et Berthe Morisot (1841-1895) ont cherché à traduire, en peinture, les effets sensoriels et fugitifs captés devant une scène — l’impression saisie par l’œil en un instant — et particulièrement dans les scènes peintes en plein air. Parmi leurs autres stratégies picturales, on compte le travail relâché du pinceau pour rendre les effets fugaces de la lumière du soleil et des ombres.
La propension de Hiester Reid à explorer ces stratégies picturales consacrées est évidente dans sa représentation de la lumière diffuse du soleil se levant à travers les branches de l’arbre placé au milieu du sol, et l’« adoucissement [distinct] des contours, et l’effet d’unité qui en résulte ». Elle traduit habilement la sensation de la lente émergence du soleil depuis l’extérieur du plan pictural; sa lumière touche les nuages dans le ciel, les branches les plus hautes de l’arbre et le côté d’une maison nichée dans les broussailles à l’arrière-plan.
Le style impressionniste ne se limite pas au continent européen. Comme l’explique la commissaire Carol Lowrey, les artistes qui vivent et travaillent aux États-Unis et au Canada ont découvert l’art et les techniques impressionnistes soit en voyageant en Europe, et plus particulièrement en France, comme l’a fait Mary Hiester Reid, soit en visitant des galeries commerciales dans des villes telles que Montréal. Par exemple, la galerie montréalaise W. Scott and Sons tient en 1892 une exposition de peinture impressionniste française, la même année où Hiester Reid expose son œuvre Roses and Still Life (Roses et nature morte), 1892. Elle reçoit pour cette œuvre le prix de la « meilleure nature morte » lors de l’exposition annuelle de la Art Association of Montreal (AAM), un événement qui s’est avéré décisif pour son succès critique. En regardant vers l’est témoigne du grand effet des voyages et des études européennes sur la trajectoire artistique de Hiester Reid.