Autoportrait 1923

Autoportrait

Margaret Watkins, Self-Portrait (Autoportrait), 1923
Épreuve à la gélatine argentique, 21,4 x 16 cm
Collections diverses

Watkins présente cet autoportrait saisissant, dans lequel elle pose la tête haute, pour accompagner un article de journal sur son travail. La photographie est importante, puisqu’elle constitue à la fois un portrait original et un document biographique. Ici, elle regarde le public de haut, posant avec assurance. Il n’y a pas de maquillage, pas de charme ni de séduction féminine, pas d’yeux baissés. Elle prend le contrôle de son interaction avec le public. Le long cou rappelle le portrait de Julia Stevens (la mère de Virginia Woolf, aussi connue sous le nom de Julia Jackson) réalisé par Julia Margaret Cameron (1815-1879) – d’ailleurs, Watkins a produit un magnifique portrait de son amie, Verna Skelton, dans la même veine. Ici cependant, Watkins n’a pas la tête tournée dans un acte de contemplation silencieuse. Au contraire, son autoportrait invite activement à la conversation. Elle qualifie la photographie de « très expressive » et insiste sur le fait d’avoir trouvé un « mécanisme ingénieux » (qu’elle ne divulguera jamais) pour prendre la photo. Voici une femme moderne qui invente de nouvelles technologies pour créer son art. La photographie est accompagnée d’une lettre autobiographique dont la dernière ligne vient compléter l’image : « […] et pour finir sur une note désinvolte, j’aime le fromage et je fais la menuiserie moi-même ».

 

Lorsque cet autoportrait paraît dans le New York Sun et le Globe pour annoncer la prochaine exposition solo de l’artiste au Art Center, du mascara, du crayon et du rouge à lèvres sont ajoutés, et l’image est placée dans un cadre ovale. Furieuse, Watkins écrit au dos de la photographie : « À vous, imprimeur / ne coupez pas, ne rognez pas / ou ne mettez pas cette photo dans un cadre ovale / Ne la retouchez pas non plus et ne la peignez pas / pour lui donner l’apparence d’une / femme fatale aux yeux de serpent! ». La rédaction avait changé la signification de l’image. Le portrait original de Watkins et sa réponse aux journaux insistent sur son identité d’artiste et de professionnelle, et non de femme fatale.

 

Bien que Watkins écrive dans un élan d’introspection « c’est drôle, n’est-ce pas, comme nous sommes tous et toutes absolument seul·es à l’intérieur de nous-mêmes! Juste un enchevêtrement de laine – tout emmêlée, jamais roulée correctement », cet autoportrait « très expressif » est fort et sans ambages. C’est cette femme professionnelle qui fait l’objet d’un article dans Vanity Fair et qui est sur le point de présenter sa première exposition personnelle à New York. C’est la photographe qui est pleinement consciente de ce que signifie regarder à travers son viseur, voir le monde à sa manière et le voir d’un œil nouveau. Elle est l’une des nombreuses femmes qui se lancent dans l’art de la photographie pour gagner leur vie. Alors que les anciens clubs amateurs n’accueillaient souvent que des hommes, des écoles telles que la Clarence H. White School of Photography encourageaient les femmes à apprendre cet art pour en faire leur profession, que ce soit dans leur propre studio de portrait, en photojournalisme ou en publicité.

 

À une autre occasion, dans la lignée d’autres artistes d’avant-garde de l’époque, tels que Man Ray (1890-1976) et plus tard André Kertész (1894-1985), Watkins se représente à travers des objets dans Untitled [Jane Street, New York City] (Sans titre [Rue Jane, New York]), 1919-1925 : son chapeau, ses gants et son sac à main sur son canapé, des reproductions d’œuvres d’art sur le mur ainsi que le mur lui-même. Au cours d’un entretien accordé à l’époque, elle déclare « étudier ce mur. Il est très beau lorsque la lumière joue dessus d’une certaine manière ». C’est finalement le portrait d’une artiste chez elle.

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