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Un taillis, le soir 1918

Un taillis, le soir, 1918

A. Y. Jackson, A Copse, Evening (Un taillis, le soir), 1918
Huile sur toile, 86,9 x 112,2 cm
Collection Beaverbrook d’art militaire, Musée canadien de la guerre, Ottawa

Cette peinture sinistre, où de robustes troncs d’arbres s’élèvent raides et droits dans le ciel dans un paysage marécageux envahi de projecteurs, de caillebotis en zigzag et de débris de bataille, évoque magnifiquement les effets catastrophiques de la Première Guerre mondiale sur le paysage de la Belgique. L’œuvre témoigne également du choix de A. Y. Jackson (1882-1974), qu’il partage d’ailleurs avec nombre de ses collègues artistes, de ne pas exposer le coût humain de la guerre par la représentation des blessés et des cadavres. Tirée d’une rapide esquisse réalisée sur place, l’image a sans doute rappelé à Jackson la fois où il a été blessé près de Maple Copse, dans les environs d’Ypres.

 

Tom Thomson, Burnt Country, Evening (Terre brûlée, le soir), 1914, huile sur contreplaqué, 21,5 x 26,6 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.
Paul Nash, The Menin Road II (La route de Menin II), v.1917-1918, plume et encre noire et mine de plomb avec lavis noir et blanc opaque sur papier vélin brun, 25,8 x 35,5 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

Un taillis, le soir fait peut-être allusion à la mort récente du collègue de Jackson, Tom Thomson (1877-1917). Jackson semble s’être souvenu de la beauté tragique des peintures plus sauvages et expressives du parc Algonquin réalisées par Thomson – Burnt Country, Evening (Terre brûlée, le soir), 1914, par exemple –, qu’il a vues pour la dernière fois lorsqu’il a peint dans le parc, avec leur auteur, cette année-là. Ce tableau de Thomson avait pour sujet une forêt vue de près ravagée par le feu : il en a fait une toile automnale et austère de branches sans feuilles, de troncs d’arbres cassés et de broussailles mortes.

 

Le paysage déchirant de Jackson s’appuie également sur sa connaissance du coup de pinceau rapide et des couleurs saisissantes associés à l’expressionnisme. Les troncs d’arbres tordus et dépourvus de feuilles, qui semblent crier contre leur destin, animent la composition à la manière des personnages agonisants de ces scènes de damnation chrétienne répandues dans l’art européen d’autres siècles. Le ciel est une anomalie : avec ses teintes pastel passant du jaune pâle au violet, il trahit l’intérêt continu de Jackson pour l’impressionnisme, le peintre ayant été marqué par sa brève formation à Paris et ses voyages en Europe. Par ailleurs, les faisceaux des projecteurs témoignent de son attachement pour les paysages de guerre dramatiques, tels que The Menin Road II (La route de Menin II), v.1917-1918, de l’artiste de guerre britannique Paul Nash (1889-1946), dont il connaissait bien l’œuvre.

 

Jackson peint Un taillis, le soir à titre d’artiste de guerre, mais le sujet provient de ses expériences de soldat. En juin 1915, il s’est engagé comme simple soldat dans le 60e bataillon du Corps expéditionnaire canadien. Au mois de juin suivant, en 1916, cependant, on l’a déclaré invalide, puis renvoyé en Angleterre. Bien qu’il n’ait pas peint depuis près de deux ans, en août 1917, le Fonds de souvenirs de guerre canadiens (FSGC) le nomme pour documenter la participation du Canada à la guerre. Premier Canadien à être ainsi employé, Jackson produit quarante-cinq œuvres pour l’organisation.

 

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