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Le rêve érotique de Miss Chief 2018

Le rêve érotique de Miss Chief, 2018

Kent Monkman, Miss Chief’s Wet Dream (Le rêve érotique de Miss Chief), 2018
Acrylique sur toile, 365,7 x 731,5 cm
Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse, Halifax

Avec son éventail varié et inclusif de guerriers autochtones et de conquérants européens, Le rêve érotique de Miss Chief nous ramène aux origines d’un très ancien conflit – la relation entre les peuples autochtones du Canada et les colonisateurs du pays – ainsi qu’aux origines de l’art de guerre, lesquelles s’appuient sur des précédents créatifs, eux-mêmes intrinsèquement historiques. La chronique de l’art de guerre au Canada, comme le relève cette composition, est une histoire de conflits qui remonte à l’arrivée des Européens dans ce pays. Mais ce n’est que récemment que ce conflit est devenu partie intégrante de l’art de guerre canadien.

 

Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse, 1818-1819, huile sur toile, 491 cm x 716 cm, Musée du Louvre, Paris.

L’artiste cri Kent Monkman (né en 1965) aborde l’histoire du Canada d’un point de vue autochtone depuis les années 1990. Le rêve érotique de Miss Chief représente sa première œuvre sur le thème de la mer et sa plus grande toile à ce jour. Elle s’inspire de deux célèbres tableaux romantiques français : Le radeau de la Méduse, 1818-1819, de Théodore Géricault (1791-1824), et Le Christ sur la mer de Galilée, 1854, d’Eugène Delacroix (1798-1863). Par des compositions dynamiques, tous deux dépeignent la survie humaine dans des mers déchaînées; la figure du Christ endormi du second tableau véhicule également la valeur de la foi.

 

Dans cette œuvre, Monkman revisite la figure du Christ de façon spectaculaire en la remplaçant par son alter ego bispirituel et fripon, Miss Chief Eagle Testickle. Or, si ce qui entoure la figure endormie constitue son rêve, l’œuvre revêt un sens érotique cru, d’où son titre. Le radeau à gauche matérialise la culture, l’histoire et la religion européennes : s’y tiennent un groupe de figures qui incarnent la reine Victoria, Marie-Antoinette, la Liberté, le Christ en croix, un conquistador, un puritain et un prêtre. Certaines sont armées. Des personnages puissants, souvent masqués, certains prêts au combat, symbolisant les peuples autochtones du Canada, s’entassent dans le canot de droite. Leurs gestes font allusion aux conséquences connues de cette rencontre fatidique. Certains accueillent les Européens, d’autres les ignorent et d’autres encore expriment violemment leur mécontentement.

 

Nous connaissons la fin de l’histoire : la misère que la société occidentale a infligée aux peuples autochtones du Canada. Mais ici, Monkman garde le récit en suspens. Il ne nous dit pas la conclusion de l’histoire, ce qui suggère que, au moins dans les rêves, il peut y avoir plus d’une issue. Et si tel est le cas, l’excitation sexuelle de Miss Chief évoque le songe d’un avenir non pas dégonflé mais excitant. Dans son exposition Shame and Prejudice : A Story of Resilience (Honte et préjugés : une histoire de résilience), 2017, créée en réaction aux célébrations du 150e anniversaire du Canada, Monkman explore l’expérience autochtone par diverses œuvres, dont des tableaux et des installations, qui couvrent l’histoire du Canada, de la Nouvelle-France à nos jours.

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