Le mur 1995
Avec son style d’empâtement caractéristique, William MacDonnell (né en 1943) représente dans Le mur un véhicule militaire devant un cimetière fermé et délabré en Croatie. À gauche, un clocher d’église monte la garde. Dans une entrevue de 1995, MacDonnell décrit cette image : « Il y avait une ville […] c’est un point de croisement. Nous y sommes passés environ quatre fois. Elle était complétement détruite. En bordure de la ville, il y avait les restes d’une église. Et dans le cimetière, il y avait des tombes profanées. Une telle haine. Toute cette culture détruite. Même les corps. J’ai utilisé la ville comme un symbole ou métaphore de la guerre. »
Les cimetières ont toujours été un motif puissant dans l’art de guerre canadien. L’artiste officiel de la Première Guerre mondiale Frederick Varley (1881-1969) peint Some Day the People Will Return (Un jour les gens reviendront) en 1918; pendant la Seconde Guerre mondiale, l’artiste de guerre George Pepper (1903-1962) réalise pour sa part Hitler’s Youth, German Cemetery at Louvigny, Calvados, Normandy (La jeunesse d’Hitler, cimetière allemand de Louvigny, Calvados, Normandie), 1944; et son collègue George Campbell Tinning (1910-1996), lui, présente, dans une veine plus humoristique, In the Vault of the Cemetery (Dans le caveau du cimetière), v.1945, montrant un groupe de soldats canadiens se prélassant dans une crypte.
MacDonnell est l’historien-philosophe des artistes de guerre contemporains. Son œuvre de guerre est influencée par son intérêt continu pour l’importance de la mémoire collective de la société et, peut-être de manière tout aussi critique, pour les dangers inhérents à l’amnésie de la société. Ses peintures tentent de relier les souvenirs et les oublis des gens à un sentiment d’appartenance. Pour cette mission, il a beaucoup voyagé en Allemagne, en Bosnie, au Congo, en Inde, en Irlande du Nord, au Rwanda, en Russie, aux États-Unis et au Vietnam pour mener des recherches sur des zones d’importance militaire historique. Les œuvres qui en résultent attirent l’attention sur les événements qui se sont produits dans ces lieux. Par exemple, Modernizing Mostar (La modernisation de Mostar), 2001, traite de la destruction gratuite du pont original de Mostar, vieux de plusieurs siècles, pendant les guerres en ex-Yougoslavie dans les années 1990, ainsi que de la réunification représentée par l’édifice temporaire de la ville. (L’ancien pont sera par la suite reconstruit.)
De 1992 à 1995, des unités des Forces canadiennes participent à plusieurs missions des Nations Unies assurant le soutien de la paix en Croatie, dans l’ancienne Yougoslavie. En 1994, l’Infanterie légère canadienne de la princesse Patricia engage trois artistes pour dépeindre leur travail dans ce pays, dont MacDonnell, qui passe dix jours avec le régiment. Une fois rentré au Canada, il peint quinze images de ses expériences. Dans chacune d’elles, les noms en relief des anges gardiens du Livre d’Enoch (de la littérature juive ancienne) emplissent le ciel au-dessus des scènes représentées. MacDonnell considère que les noms des anges symbolisent les objectifs de sauvegarde des forces de l’ONU, en plus de constituer des métaphores de son travail d’artiste-observateur.
MacDonnell est un ancien élève-officier du Corps des transmissions royal du Canada. En 2007, douze ans après avoir visité la Croatie à titre d’artiste de guerre, il passe un mois en Afghanistan dans le cadre du Programme d’arts des Forces canadiennes (PAFC), œuvrant à l’aérodrome de Kandahar et dans la région de Kaboul.