Erreur 1993
De nombreux artistes militaires contemporains, dont Allan Harding MacKay (né en 1944), ont travaillé à la fois sur des projets indépendants et sur ceux du programme gouvernemental officiel de l’époque. Au début des années 1990, les Forces canadiennes participent à une mission de maintien de la paix parrainée par les Nations Unies en Somalie, escortant des convois de secours contre la famine, faisant du déminage et détruisant des milliers d’armes confisquées. En 1993, la torture et la mort de l’adolescent somalien Shidane Arone, dont sont responsables deux soldats canadiens, entache la mission militaire du Canada qui avait par ailleurs réussie. Erreur s’inspire de la photographie que MacKay a prise du bâtiment où les autorités militaires ont détenu le caporal-chef Clayton Matchee, le soldat qui, avec le soldat Kyle Brown, avait torturé et tué Arone.
Incorporé à la composition en techniques mixtes, un fragment de journal porte les mots « Nous avons peut-être pensé que c’était de notoriété publique là-bas et que cela ferait son chemin jusqu’ici. » Cette phrase témoigne de la conviction de MacKay que le public contemporain refuserait de comprendre le choix des forces armées de dissimuler l’événement. Et il avait vu juste, car le meurtre deviendra un grave scandale et conduira à la nomination d’une commission d’enquête.
Bien que MacKay se soit rendu en Somalie dans le cadre du Programme d’aide des Forces canadiennes aux artistes civils (PAFCAC), son travail d’artiste militaire transcende les frontières qui séparent l’art officiel subventionné par le gouvernement canadien et l’art protestataire. Reconnaissant la valeur publique accordée à son art de guerre officiel, il décide librement de détruire ce dernier pour attirer l’attention sur les activités militaires qu’il souhaite contester. Plus précisément, il utilise les œuvres qu’il a créées en participant à des missions de maintien de la paix pour protester contre ce qu’il considère comme des interventions militaires canadiennes non pacifiques.
À la fin des années 1990, les Forces canadiennes basées en Italie participent à la campagne aérienne de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) au-dessus de la Serbie pour mettre fin à la crise politique et humanitaire au Kosovo. En 1999, des affrontements entre les forces militaires serbes et les milices albanaises menacent de plonger la région dans un nouveau conflit impliquant un nettoyage ethnique similaire à celui qui avait eu lieu ailleurs dans les Balkans plus tôt dans les années 1990. MacKay s’oppose au rôle militaire du Canada au Kosovo et décide de détruire une œuvre originale sur le thème de la Somalie en signe de protestation pour chaque jour où l’OTAN bombarde les forces serbes. Il détruit la dernière de ses cinquante-huit œuvres d’art sur la Somalie le 10 juin 1999, jour où les bombardements cessent. Erreur est l’une des trois compositions sur le thème de la Somalie qui échappe à la destruction, en partie parce que ces œuvres appartiennent déjà à la collection du Musée canadien de la guerre.
MacKay entreprend une deuxième mission d’art de guerre en Afghanistan en 2002 avec le Programme d’arts des Forces canadiennes (PAFC). Ses déplacements sont limités : il doit demeurer sur le site de l’aérodrome de Kandahar et ses environs. MacKay réalise trois vidéos sur les difficultés d’exercer le rôle d’artiste de guerre dans la région, qu’il intitule collectivement Afghan Vignettes (Vignettes afghanes), 2006. L’une de ces vignettes montre comment il a appris la présence du conflit en interprétant les sons extérieurs environnants de l’activité militaire alors qu’il se trouvait sous la tente. Il continue à créer des œuvres même après avoir quitté la zone de guerre, cherchant à composer un portrait plus global à travers quelque chose de plus petit. Afghanistan no132A, 2002-2007, représente la moitié inférieure d’une mince figure à peine identifiable portant un sac à dos et marchant sur un sol poussiéreux. L’image suggère à la fois un environnement de pauvreté et une conscience du danger permanent que représentent les engins explosifs improvisés (EEI). En 2012, MacKay a détruit un certain nombre d’œuvres connexes pour protester contre les politiques du gouvernement fédéral conservateur.