Rosemary Gilliat Eaton (1919, Hove, Angleterre – 2004, Cole Harbour, Nouvelle-Écosse)
Parmi les milliers de photographies prises par Rosemary Gilliat Eaton (1919-2004) alors qu’elle était photojournaliste, cette image de garçons inuits jouant à saute-mouton revêt une importance particulière depuis quelques années grâce au travail de l’auteur et commissaire nîpisîhkopâwiyiniw (Cri-des-Saules) Paul Seesequasis. La mère de ce dernier a témoigné devant la Commission de vérité et de réconciliation, puis elle l’a encouragé à chercher des photographies représentant la force des communautés autochtones et les joies de leur vie au quotidien. Dans le cadre de cette recherche, Seesequasis découvre la photographie de Gilliat Eaton figurant des enfants jouant à saute-mouton, et il est alors particulièrement frappé par la façon dont le point de vue de la composition, bas et rapproché, capte bien le sentiment de légèreté du garçon et son plaisir à faire des acrobaties. L’appréciation de Seesequasis pour « la lentille empreinte d’émotion » de Gilliat Eaton permet à son œuvre de figurer en bonne place dans une collection de photographies qu’il compile, expose et publie, attirant ainsi l’attention sur la carrière de la photographe et sur ses remarquables réalisations dans le domaine de la photographie documentaire du milieu du siècle dernier.
Élevée en grande partie sur la plantation de thé de sa famille au Sri Lanka, Gilliat Eaton fréquente un pensionnat en Suisse. Elle poursuit sa carrière de photographe professionnelle à Londres, où elle fait son apprentissage auprès du photographe britannique Bill Brandt (1904-1983) tout en étant pigiste pour des journaux et des éditeurs de livres. En 1952, elle immigre au Canada, seule, ce qui est inhabituel à l’époque pour une femme célibataire.
Une fois installée à Ottawa, Gilliat Eaton cherche des contrats qui lui permettent de voyager et de documenter la diversité géographique et sociale du pays, avec un intérêt particulier pour le Nord. Elle illustre des articles pour Maclean’s, Star Weekly et Canadian Geographic, mais c’est le magazine Beaver (aujourd’hui Canada’s History) et l’Office national du film qui financent la plupart de ses projets nordiques. Elle prend de nombreuses photographies de personnes rencontrées dans le Nord, notamment des images d’artistes travaillant à Kinngait (Cape Dorset). La méthode de travail de Gilliat Eaton est posée; elle recrute ses sujets parmi les personnes qui, comme elle, souhaitent prendre le temps de tisser des liens de confiance et de réciprocité.
Bien qu’elle soit surtout connue pour son photojournalisme, Gilliat Eaton prend également des clichés remarquables lors d’un voyage de camping en voiture avec trois amies en 1954 et elle contribue aux efforts de conservation du parc de la Gatineau, au Québec, où elle passe ses fins de semaine pendant une décennie – Close-up portrait of a chickadee taking a sunflower seed from Dorothy Stotesbury’s mouth. Shilly Shally Lodge, Gatineau Park (Portrait en gros plan d’une mésange qui prend une graine de tournesol dans la bouche de Dorothy Stotesbury. Lodge Shilly Shally, parc de la Gatineau), v.1958, est une image étonnante prise dans la région. En 1965, Gilliat Eaton délaisse la pige lorsqu’elle s’installe en Nouvelle-Écosse. À Cole Harbour, elle s’investit pleinement dans les efforts visant à protéger les marais salés et les terres agricoles de la région; elle entreprend des recherches pour écrire sur l’environnement local, et elle photographie les albums des familles locales afin de constituer un dossier historique sur la communauté.