Jessie Tarbox Beals (1870, Hamilton, Ontario – 1942, New York, NY)
Dans l’œuvre Self-portrait, World’s Fair St. Louis (Autoportrait, Exposition universelle de Saint-Louis), 1904, Jessie Tarbox Beals (1870-1942) révèle comment elle s’est frayée un chemin en usant de son charme et de sa détermination pour prendre des images sur le vif de grands événements publics – de son poste au sommet de l’échelle, elle est prête à photographier les dignitaires en visite. Son parcours est inhabituel : née à Hamilton, elle suit une formation d’institutrice avant de s’établir aux États-Unis à l’âge de dix-sept ans. Sans surprise, elle s’intéresse d’abord à la photographie en tant qu’outil pédagogique, mais après avoir rencontré les photographes américaines Frances Benjamin Johnston (1864-1952) et Gertrude Käsebier (1852-1934), elle reconnaît les possibilités professionnelles de ce moyen d’expression et devient rapidement une reporter intrépide. En 1902, elle est engagée par deux journaux de Buffalo, ce qui en fait vraisemblablement la première femme en Amérique du Nord à travailler comme photojournaliste, son mari lui servant d’assistant et d’imprimeur.
Au cours des années suivantes, ses images sont publiées dans une grande variété de journaux et de magazines et sont accueillies avec succès. En 1904, Beals est envoyée pour couvrir l’Exposition universelle de Saint-Louis. Elle est particulièrement intéressée par les expositions vivantes, déshumanisantes, de peuples « exotiques ». Des membres des peuples patagoniens d’Amérique du Sud et pygmées du Congo figurent alors au sein d’expositions conçues pour souligner le progrès de l’Amérique, ainsi que pour fournir au public un soi-disant divertissement. Beals vend à des journaux plusieurs portraits ethnographiques qu’elle regroupe dans des ensembles et des albums destinés à la vente. Si sa curiosité à l’égard du monde contribue de façon notable à son succès, il est important de souligner, à l’instar de l’historienne de la photographie Laura Wexler, que son travail constitue une forme de violence à l’égard de certains groupes ethniques.
Après avoir perdu son emploi peu de temps après la foire, Beals devient pigiste pour le compte de journaux et de magazines. Mais à mesure que le photojournalisme se professionnalise, il devient de plus en plus difficile pour elle, en tant que femme, de trouver du travail. C’est ainsi qu’elle ouvre un studio dans le quartier bohème de Greenwich Village, à New York. Bien qu’elle ne revienne jamais vivre au Canada, en 1921, elle participe à une exposition internationale de photos du Toronto Camera Club. Elle meurt sans ressources, mais la plupart de ses négatifs sont sauvés par le photographe Alexander Alland (1902-1989), qui les achète à sa succession et en fait don à la New-York Historical Society.