Edith S. Watson (1861, East Windsor Hill, Connecticut – 1943, St. Petersburg, Floride)
Tant par son titre que son éclairage théâtral, l’œuvre Canada, “the Bread-Mother” of the World (Canada, la « mère nourricière » du monde) sublime l’acte quotidien de la fabrication du pain. Cette photographie fait partie de la dizaine de compositions esthétisées du travail rural créées par Edith Watson (1861-1943). Elle est publiée dans Romantic Canada (1922), un livre que Watson élabore en collaboration avec la journaliste Victoria Hayward, sa partenaire de travail et de vie. Comportant soixante-dix-sept reproductions en demi-teinte des photographies de Watson, le livre dépeint le Canada par une série de scènes préindustrielles idylliques qui sont inhabituelles pour souligner la contribution des femmes à l’essor des communautés rurales.
Watson grandit dans le Connecticut et apprend probablement la photographie auprès de son oncle, un botaniste. Elle connaît un succès modeste en tant qu’aquarelliste avant d’entreprendre une carrière dans la photographie. Au début des années 1890, elle voyage à Terre-Neuve qui est, à l’époque, une colonie britannique, et se rend ensuite dans d’autres régions d’Amérique du Nord. Sa première commande photographique importante est de fournir des photographies pour un récit de voyage sur la Nouvelle-Écosse rédigé par l’autrice Margaret Morley. Chaque année pendant quarante ans, Watson retourne au Canada pour des séjours prolongés afin de photographier la vie rurale partout au pays. Elle s’intéresse aux régions de Terre-Neuve et du Labrador et au sujet des femmes au travail, un thème qu’elle aborde également lorsqu’elle vit avec les Doukhobors, en Colombie-Britannique, qu’elle photographie pendant trois étés à la fin des années 1910.
Sur le plan stylistique, les points forts de Watson sont la composition et l’éclairage, et elle a adapté des éléments du pictorialisme pour créer des vues romancées du travail domestique féminin. Apparemment, elle n’a jamais aimé son Leica, mais préférait les simples appareils à boîtier, plus faciles à transporter lors de ses voyages, même si les plaques de verre restaient un fardeau à transporter.
Déterminée à vivre de la photographie de voyage, Watson produit des photos qui plaisent au lectorat anglophone de la classe moyenne urbaine, et elle vend ses œuvres à une vaste gamme de magazines et de publications, notamment Chatelaine, Maclean’s, Canadian Magazine, National Geographic et Ladies’ Home Journal, ainsi qu’à des gouvernements et des commanditaires. Elle échange également ses tirages contre des biens et des services, notamment des billets de train et du matériel de photographie. Elle est passionnée par son travail et insiste pour être créditée pour ses images, ce qui n’est pas courant dans les médias de masse. Elle décline également les invitations à publier ses photographies dans des revues d’art et des expositions, car elle n’y serait pas rémunérée. Watson est cependant généreuse en partageant les copies de ses photographies avec ses sujets, et ces images font leur chemin dans les familles et dans les collections publiques.