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Miss Amérique 2012

Miss Amérique, 2012

Kent Monkman, Miss America (Miss Amérique), 2012
Acrylique sur toile, 213,4 x 335,3 cm
Musée des beaux-arts de Montréal

Miss Amérique, première œuvre de la série Four Continents (Quatre continents) réalisée par Kent Monkman entre 2012 et 2016, a été présentée dans son intégralité à la Kitchener-Waterloo Art Gallery l’année de sa réalisation. Dans une composition triangulaire, on aperçoit Miss Chief Eagle Testickle chevauchant un alligator et levant une plume vers le ciel. Elle trône au centre d’un enchevêtrement diversifié de figures, dont un joueur de basket-ball, un soldat britannique, une sirène ressemblant à Marilyn Monroe, des personnes autochtones à identité de genre fluide ainsi que des Aztèques et des Mayas.

 

Les Quatre Continents revisite le motif d’Apollon et les quatre continents, 1750-1753, plafond rococo peint à la fresque par Giovanni Battista Tiepolo (1696-1770), que Monkman avait pu contempler dans des livres au début des années 2000 et en personne, à la Résidence de Würzburg en Allemagne, soit l’ancienne résidence des princes-évêques, en 2013 ou 2014. Des représentations symboliques de l’Europe, de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique ornent chaque extrémité du plafond incurvé. Dans la série de Monkman, Miss Chief, souveraine bispirituelle, revêt plusieurs apparences afin d’incarner ces mêmes continents. La réinterprétation contemporaine de la fresque de Tiepolo conteste l’histoire traditionnelle du dix-huitième siècle, époque soi-disant des Lumières, en dévoilant une pléthore d’agressions colonialistes à l’échelle mondiale. Monkman transforme la composition fantaisiste de Tiepolo sur le thème de l’exploration bienveillante en une sorte de film d’action, où la violence et le désir sexuel se mêlent aux présages de destruction environnementale et terroriste.

 

Miss Amérique rassemble un mélange de symboles : un prêtre catholique accepte l’étreinte d’un guerrier mohawk, qui l’enlace de son bras; un canot arbore le logo Mercedes Benz; un homme vêtu d’une cagoule en peau de loup tient un parasol d’une pâle couleur lavande; et le corps homoérotique d’un Saint Sébastien habillé de jeans, de bottes de cowboy et d’une ceinture décorée du logo de la marque Chanel attire le regard. L’incorporation d’emblèmes de la modernité (comme les logos) rappelle les multiples formes du commerce et du vol dans les récits mondiaux. « Je voulais traiter du mondialisme dans une perspective contemporaine et montrer comment la culture de la consommation et la culture d’entreprise ont eu un impact sur les populations autochtones des différents continents », déclarera Monkman.

 

Le cycle de Tiepolo est imprégné de l’esthétique de l’antiquité classique, laquelle inspirait la pensée des Lumières, pour mettre de l’ordre dans le chaos – le peintre italien a organisé le monde entier dans sa fresque. Monkman s’approprie la composition et l’iconographie de Tiepolo dans son œuvre : il érige une pyramide de corps autochtones et non autochtones, métaphore de la colonisation des Amériques, décriant ainsi le prétendu rationalisme de notre époque. En monumentalisant l’expérience autochtone des Amériques, il propose une trajectoire historique différente qui met à mal les fantasmes douteux de la suprématie coloniale. En autochtonisant une pièce canonique de l’histoire de l’art européen, Monkman crée un chef-d’œuvre subversif et sensuel qui s’oppose au discours colonial et qui entame le dialogue.

 

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